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la payer empêcha que cette loi sévère ne fût exécutée, même une seule fois, je crois ; et les propriétaires aimèrent mieux encourir une amende illégale que de s’exposer à tout perdre ; de même qu’il est difficile ou impossible aujourd’hui d’empêcher ceux à qui on a dérobé une somme considérable d’argent, de composer avec les voleurs, pour obtenir d’eux la restitution d’une partie de leur prise.

Quel était le taux du black-mail que levait Rob-Roy ? je ne l’ai jamais su. Mais il existe encore un contrat par lequel son neveu, en 1741, convient avec différents propriétaires des comtés de Perth, de Stirling et de Dumbarton, de leur ramener les bestiaux qu’on leur volera, ou de leur en payer la valeur sous six mois, à dater du jour du vol, si on lui en donnait avis avec promptitude, à raison de 5 livres sterling pour 100 livres du revenu, ce qui n’était pas, à coup sûr, un très-lourd droit d’assurance. Le contrat n’était pas exécutoire pour les petits vols ; mais le vol d’un cheval, d’une bête à cornes, ou de plus de six moutons, rentrait dans le marché.

Ces exactions produisaient à Rob-Roy un revenu considérable en argent et en bestiaux, et il en faisait un usage populaire ; car il était aussi libéral en public que bienfaisant en particulier. Le ministre de la paroisse de Balquhidder, qui s’appelait Robinson, menaça un jour la paroisse de demander une augmentation de salaire. Rob-Roy profita d’une occasion pour l’assurer qu’il ferait bien de s’abstenir de cette nouvelle exaction, avis que le ministre ne manqua point de comprendre. Mais pour l’indemniser un peu, Mac-Gregor lui fit présent chaque année d’une vache et d’un mouton gras ; et l’on ne dit pas que des scrupules sur la manière dont le donateur se les procurait aient affecté jamais la conscience du révérend ministre.

Le fait suivant, que l’on raconte de Rob-Roy, à l’égard d’un de ceux qui avaient traité avec lui, m’a causé le plus vif intérêt. Il m’a été conté par un vieil habitant du comté de Lennox, témoin oculaire de l’expédition. Mais comme il n’y a rien d’étonnant ni de merveilleux dans cette anecdote, et que je ne puis la donner aux lecteurs avec les regards demi-épouvantes, demi-stupéfaits, dont le narrateur accompagnait ses souvenirs, elle perdra probablement beaucoup de son effet par sa transcription sur le papier.

Le narrateur, à l’âge de quinze ans, vivait avec son père sur les domaines d’un gentilhomme de Lennox dont j’ai oublié le