Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/398

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— C’est le sort de toutes les alliances, dit Garschattachin ; les Hollandais nous en auraient fait autant si nous ne les avions prévenus à Utrecht.

— Vous plaisantez, monsieur, dit le duc d’un ton qui prouvait qu’il goûtait peu cette plaisanterie ; « cependant l’affaire qui nous occupe ici semble prendre une tournure fort sérieuse… Je ne crois pas qu’aucun de ces messieurs soit d’avis de pénétrer plus avant dans le pays, privés comme nous le sommes de l’appui des montagnards et de l’infanterie d’Inversaid ? »

Tout le monde tomba d’accord que cette tentative serait une véritable folie.

« Il ne serait guère plus sage, reprit le duc, de rester exposé dans ce lieu à une attaque de nuit ; je propose donc que nous nous retirions sur le château de Duchray et sur celui de Gartartan : nous y ferons bonne garde jusqu’au matin. Mais, avant de nous séparer, je veux interroger Rob-Roy en votre présence, pour vous convaincre par vos yeux et vos oreilles du danger qu’il y aurait à lui rendre une liberté dont il ne se servirait que pour commettre de nouveaux ravages. »

Le duc donna ses ordres pour que le prisonnier fût amené devant lui. Rob-Roy arriva, les bras liés jusqu’au coude, et maintenus le long de son corps au moyen d’une sangle de cheval : il marchait entre deux sous-officiers et sous l’escorte de six soldats, la baïonnette au bout du fusil.

Je ne l’avais jamais vu dans le costume de son pays, qui faisait ressortir d’une manière frappante ce que son physique offrait de remarquable. Une forêt de cheveux roux, que le chapeau et la perruque qu’il portait dans les basses terres avaient en quelque sorte cachée, s’échappait de son bonnet de montagnard, et justifiait le surnom de Roy ou le Rouge, par lequel il était généralement connu dans les basses terres, et qui n’y est pas encore oublié. On en reconnaissait toute la justesse en jetant les yeux sur la partie de ses membres que le costume montagnard laissait à nu : ses cuisses, ses jambes, et surtout ses genoux, étaient couverts d’un poil rouge, court et épais, ce qui, joint à leur extrême force et à la vigueur de leurs muscles, les faisait ressembler aux membres des taureaux rouges qu’on trouve dans les montagnes. L’effet produit par son changement de costume, et la connaissance que j’avais acquise de son véritable caractère, qui me paraissait déjà formidable, lui donnèrent à mes yeux, en ce moment,