Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/395

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c’était une folie de supposer qu’il pourrait remettre en liberté l’instigateur de tous ces désordres, de tous ces outrages, et encourager ainsi sa troupe à l’impunité. « Vous pouvez retourner vers ceux qui vous envoient, ajouta-t-il, et leur dire que, bien certainement, demain à la pointe du jour je ferai exécuter ce Rob-Roy Campbell, qu’ils appellent Mac-Gregor, comme un proscrit pris les armes à la main, et qui a mille fois mérité la mort ; que je me montrerais indigne de mon rang et de la place que j’occupe, si j’agissais autrement ; que je saurai protéger le pays contre leurs insolentes menaces, et que s’ils touchent à un cheveu de la tête des infortunés qui sont en leur pouvoir, j’en tirerai une telle vengeance, que les pierres mêmes de leurs rochers en gémiront pendant plus d’un siècle. »

Je lui fis humblement quelques représentations sur le danger de l’honorable mission dont il me chargeait ; sur quoi il me répondit que je pouvais envoyer mon domestique.

« Le diable soit de moi ! » dit André sans égard pour la présence du duc, et sans attendre ma réponse ; « il faudrait que le diable fût dans mes jambes pour me faire faire un pas de ce côté. Est-ce qu’on croit que j’ai un autre cou dans ma poche pour remplacer le mien lorsqu’il aura été coupé par un des messieurs les montagnards, ou que je puisse plonger dans leur lac et revenir sur l’eau ? Non, non, chacun pour soi, et Dieu pour tous. Ces gens feront bien d’envoyer quelque autre messager ; ce n’est pas André qui se chargera de telles commissions. Rob-Roy ne s’est jamais approché de la paroisse de Dreep-Daily, il ne m’a jamais volé ni poire ni pépin. »

Après avoir, non sans peine, fait taire mon domestique, je représentai vivement au duc le danger certain auquel étaient exposés le capitaine Thornton et M. Jarvie, et le suppliai de modifier de telle sorte les termes du message dont il me faisait porteur, qu’il pût leur sauver la vie. Je l’assurai qu’aucun péril ne m’effraierait, si je pouvais leur être de quelque utilité ; mais que, d’après ce que j’avais vu et entendu, je ne pouvais douter qu’ils ne fussent tous immédiatement massacrés au moment où les montagnards apprendraient que leur chef aurait été mis à mort.

Leduc parut très affecté. « C’est une circonstance très-douloureuse, dit-il, et dont je suis profondément affligé ; mais j’ai un devoir plus impérieux à remplir envers le pays. Il faut que Rob-Roy périsse ! »