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CHAPITRE XXXII.

L’AMBASSADE.


Qu’il soit rendu sain et sauf avant le coucher du soleil, ou, par la vengeance dont un cœur outragé est capable, et par le pouvoir de la satisfaire qui gît dans la force du crime, votre terre en souffrira.
Ancienne comédie.


Je ne sais comment il se fait qu’un acte isolé de violence et de cruauté affecte plus péniblement notre sensibilité que ceux que nous voyons exercer d’une manière plus générale. Ce jour-là plusieurs de mes braves compatriotes avaient péri sous mes yeux pendant le combat, et il m’avait semblé qu’ils accomplissaient le sort réservé à l’humanité ; mon cœur, quoique affecté d’un regret douloureux, n’était pas pénétré de cette inexprimable horreur avec laquelle je vis mettre à mort, de sang-froid, l’infortuné Morris. Je jetai les yeux sur mon compagnon, M. Jarvie, et je lus sur son visage l’expression des sentiments qui m’agitaient moi-même. Ne pouvant maîtriser son indignation, il laissa même échapper à demi-voix ces mots entrecoupés :

« Je proteste solennellement contre cette action… C’est un meurtre cruel, abominable… c’est un acte maudit, et qui attirera quelque jour la vengeance de Dieu.

— Vous ne craignez donc pas de le suivre ? » dit la virago en portant sur lui des regards qui semblaient un arrêt de mort, et tels que ceux du faucon qui va s’élancer sur sa proie.

« Cousine, répondit-il, aucun homme ne coupe avec plaisir le fil de sa vie avant qu’il ait été entièrement dévidé… J’ai beaucoup de choses à faire dans ce monde, si la mort m’épargne… des affaires publiques et privées, de magistrature et de commerce… Et puis il y a des êtres qui ont encore besoin de moi, comme cette pauvre Mattie, qui est orpheline… Elle est petite-cousine du laird de Limmerfield… Or, d’après toutes ces considérations, vous comprenez bien qu’un homme abandonnera tout ce qu’il a pour conserver la vie.