Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/379

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gré leur répugnance, non seulement à s’arrêter au milieu de leur opération, mais encore à nous rendre ce qu’ils s’étaient déjà approprié. Il arracha ma cravate des mains de celui qui l’avait prise, et dans son zèle pour me la restituer, il la tourna autour de mon cou en la serrant d’une telle force, que je fus porté à croire que pendant sa résidence dans la prison de Glasgow, il était non seulement substitut du geôlier, mais qu’il avait bien pu aussi y prendre des leçons comme apprenti du bourreau. Il jeta sur les épaules de M. Jarvie les lambeaux de sa redingote, et voyant accourir d’autres montagnards, il se mit en marche avec nous, nous précédant de quelques pas, après avoir recommandé à notre nouvelle escorte de nous prêter assistance, à M. Jarvie surtout, pour que nous pussions descendre avec plus de facilité. André Fairservice implora la protection de Dougal de toute la force de ses poumons, le priant du moins d’intervenir pour qu’on lui rendît ses souliers : ce fut en vain. « Non, non, répondit Dougal, vous n’êtes pas un gentilhomme, vous ; je ne crains pas de me tromper en disant qu’il y a ici des gens qui valent mieux que vous, et qui cependant marchent nu-pieds. » Et laissant André poursuivre sa marche à loisir, ou plutôt laissant à la foule des montagnards qui l’entouraient le soin de le faire marcher, il nous fit entrer dans le défilé où l’escarmouche avait eu lieu, afin de nous présenter comme de nouveaux prisonniers au chef femelle de sa troupe. Dans ce trajet, Dougal se donna un grand mouvement ; il menaçait, frappait même ceux qui, s’approchant de nous de trop près, semblaient vouloir prendre à notre capture un intérêt plus vif qu’en apparence il n’en prenait lui-même.

À la fin nous parûmes devant l’héroïne du jour, dont l’aspect, de même que celui des figures farouches, bizarres et pourtant guerrières qui l’environnaient, ne laissa pas, je dois l’avouer, de me frapper de terreur. Je ne sais pas si Hélène Mac-Gregor avait joué un rôle actif dans le combat, et ce que j’appris ensuite dut même me faire penser le contraire ; mais les taches de sang qu’on voyait sur son front, sur ses mains, sur ses bras nus, sur la lame de l’épée qu’elle tenait à la main ; ses joues enflammées, le désordre de ses cheveux d’un noir de jais, dont une partie s’échappait du bonnet rouge, surmonté d’une plume, qui formait sa coiffure : tout semblait indiquer qu’elle avait pris une part active au combat. Ses yeux noirs et vifs, ainsi que toute sa physionomie, exprimaient l’orgueil de la victoire, le plaisir de la vengeance