Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/371

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muse dans les bois que nous venions de traverser. Le capitaine Thornton, officier aussi habile que brave, résolut immédiatement de forcer le défilé qui était devant lui sans attendre qu’on vînt l’assaillir par derrière. Il assura à ses soldats que les cornemuses qu’ils avaient entendues leur annonçaient l’arrivée de leurs amis les montagnards qui venaient à leur secours ; il leur fit sentir l’importance de s’avancer, et de s’emparer, s’il était possible, de Rob-Roy, avant que ses auxiliaires vinssent leur enlever la moitié de l’honneur du succès, et partager la récompense promise pour la tête de ce fameux brigand. Il ordonna à l’arrière-garde de rejoindre le centre, fit serrer sur l’avant-garde ; en un mot, il fit toutes les dispositions nécessaires pour être maître du chemin et présenter un front aussi étendu que le permettait son peu de largeur. Il dit à Dougal que s’il l’avait trompé il paierait cher sa trahison, et le fit placer au centre entre deux grenadiers, auxquels il ordonna de tirer sur lui s’il essayait de s’échapper. La même place nous fut assignée comme étant la moins dangereuse, et le capitaine Thornton, prenant sa demi-pique des mains du soldat qui la portait, se mit à la tête de son détachement, et donna l’ordre de marcher en avant. La troupe s’avança avec la bravoure naturelle aux soldats anglais. Il n’en fut pas de même d’André Fairservice, à qui la frayeur avait presque fait perdre l’esprit ; et s’il faut dire la vérité, le bailli et moi, sans éprouver le même degré d’effroi, nous ne pouvions voir, avec une indifférence stoïque, notre vie exposée aux plus grands dangers dans une querelle où nous n’étions pas intéressés. Mais il n’y avait pas de remède, car ce n’était pas le moment des remontrances.

Nous avançâmes jusqu’à une vingtaine de pas de l’endroit où l’avant-garde avait aperçu l’ennemi. C’était un de ces promontoires qui s’avancent dans le lac, et autour de sa base le sentier tournait comme je l’ai déjà dit. Cependant, au lieu de côtoyer le rivage, le sentier montait en zigzags rapides sur le rocher, où il disparaissait quelquefois ; sans cela cette masse grisâtre et escarpée aurait été inaccessible. C’était sur le sommet de ce rocher que le caporal déclarait avoir vu les bonnets et les longs fusils de plusieurs montagnards probablement couchés à plat ventre au milieu de la haute bruyère et des broussailles dont il était couvert. Le capitaine lui ordonna de se porter en avant avec trois files et de déloger l’ennemi ; lui-même s’avança d’un pas plus lent, mais ferme, avec le reste de sa troupe, pour le soutenir.