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pourtant de lui dire que mon intention était de passer la nuit dans cette maison, et je lui recommandai d’avoir soin de nos chevaux. Quant au reste, je lui enjoignis un profond silence sur le sujet de ses craintes, en l’assurant qu’il pouvait compter que je ne m’exposerais à aucun danger sérieux sans prendre toutes les précautions convenables. Il me suivit dans la maison d’un air consterné, et en murmurant entre ses dents : « Les hommes devraient passer avant les animaux. De toute cette bienheureuse journée, je n’ai mis dans mon estomac que les deux cuisses coriaces d’un vieux coq de bruyère. »

En rentrant, je crus m’apercevoir que quelque chose avait troublé le bon accord de la compagnie pendant mon absence, car je trouvai M. Galbraith et mon ami le bailli se disputant vivement.

« Je ne souffrirai pas, disait M. Jarvie, que l’on parle ainsi ni du duc d’Argyle ni du nom de Campbell. Le duc est un digne seigneur, plein de patriotisme, l’ami et le bienfaiteur du commerce de Glasgow.

— Je ne dirai rien de Mac-Callum More ni du Slioch-nan-Diarmid, dit en riant le moins grand des deux montagnards, je ne suis pas situé du bon côté de Glencoe pour chercher dispute à Inverrara.

— Notre lac n’a jamais vu la galère[1] des Campbell, dit le plus grand ; je dirai ce que je pense, sans avoir égard aux personnes. Je ne fais pas plus de cas d’un Campbell que d’un Cowan, et vous pouvez dire à Mal-Callum More que c’est Allan Iverach qui l’a dit : il y a loin d’ici à Lochow[2]. »

M. Galbraith, sur qui les différentes santés qu’il avait bues n’avaient pas été sans influence, frappa du poing sur la table avec violence, et s’écria : « Il y a une dette de sang contractée par cette famille, et il faudra qu’elle la paie un jour. Les os d’un brave et loyal Grahame se soulèvent depuis long-temps dans leur tombeau pour demander vengeance de ces ducs perfides. Il n’y a jamais eu de trahison en Écosse que quelque Campbell ne s’y soit trouvé mêlé. Et maintenant que les méchants ont le dessus, qui

  1. Lymphads, dit le texte, pour désigner la galère que la famille d’Argyle et le clan des Campbell portent dans leurs armes. a. m.
  2. Lochow et les pays adjacents étaient les propriétés originaires des Campbell, et c’était une expression proverbiale que a far cry to Lochow, par allusion à un combat entre deux clans éloignée de tout secours. a. m.