Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/351

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deux montagnards ce qui leur plaisait le plus dans ces santés ; ils les portèrent sans paraître se soucier d’en comprendre le sens, et commencèrent une conversation en gaélique avec M. Galbraith qui le parlait avec facilité, sa demeure, comme je l’appris plus tard, étant voisine des hautes terres.

« J’ai reconnu de suite ce vaurien-là, me dit tout bas M. Jarvie ; mais, dans la chaleur du combat, je ne pouvais savoir de quelle manière il voudrait s’y prendre pour payer ses dettes : il s’écoulera du temps avant qu’il le fasse de bonne grâce. Il n’en est pas moins un brave garçon, qui a bon cœur. Il ne vient pas souvent à Glasgow, mais il m’envoie de temps en temps un daim et des oiseaux des montagnes. À tout prendre, je puis me passer de cet argent. Mon père le diacre avait beaucoup de considération pour la famille de Garschattachin. »

Le souper étant prêt, je cherchai des yeux André Fairservice, mais personne n’avait vu ce fidèle serviteur depuis le commencement du combat. L’hôtesse cependant me dit qu’elle croyait qu’il était dans l’écurie, mais que ses enfants et elle-même l’avaient appelé sans pouvoir en obtenir de réponse. Elle m’offrit de m’y conduire, ajoutant qu’elle ne se souciait pas d’y entrer à pareille heure. Elle était seule, elle était femme ; on savait bien comment l’esprit de Ben-ye-Gask avait traité la fermière d’Ardnagowan. Son écurie passait pour être hantée par un esprit, ce qui était cause qu’elle n’avait jamais pu garder un palefrenier.

Cependant, prenant une lumière, elle me conduisit vers le misérable hangar sous lequel nos pauvres chevaux se régalaient d’un foin dont chaque brin était aussi gros qu’un tuyau de plume d’oie. Là elle me prouva clairement qu’elle avait eu pour me faire quitter la compagnie, un autre motif que celui qu’elle avait prétexté. « Lisez ceci, me dit-elle en me glissant dans la main un morceau de papier plié. Dieu soit béni, m’en voilà débarrassée ! quelle misère que d’être entre des soldats et des Saxons, des pillards et des voleurs de bestiaux, toujours entre des rixes et du sang ! En vérité, une honnête femme vivrait plus tranquille dans l’enfer que sur la frontière des montagnes. »

En parlant ainsi elle me remit la torche et rentra dans la maison.