Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/348

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poker a fait un trou par lequel passerait une marmite ? dit le grand montagnard. A-t-on jamais vu un homme sage se battre avec une arme rougie au feu !

— Que cela ne fasse pas obstacle à la paix, » dit le bailli, qui avait repris haleine et qui était aussi disposé à jouir de son triomphe qu’à éviter la nécessité de recourir de nouveau au sort incertain des armes. « Puisque c’est moi qui ai fait la blessure, ce sera moi qui fournirai l’emplâtre. Vous aurez un plaid tout neuf, et des plus beaux, aux couleurs de votre clan, mon cher, si vous voulez me dire où je puis vous l’envoyer de Glasgow.

— Je n’ai pas besoin de nommer mon clan. Je suis du clan du roi, cela est connu. Mais vous pouvez emporter un échantillon de mon plaid : pough ! il sent la tête de mouton grillée. Avec cela vous ne serez pas embarrassé de choisir. Un gentilhomme de mes cousins, qui va à Glasgow pour vendre ses œufs, ira le prendre chez vous à la Saint-Martin. Mais, brave homme, la première fois que vous vous battrez, si vous faites quelque cas de votre adversaire, que ce soit avec une épée, mon cher, puisque vous en portez une, et non pas avec des pincettes ou avec des tisons, comme un Indien sauvage.

— Ma foi, dit le bailli, chacun fait comme il peut. Mon épée n’a pas vu le jour depuis le combat du pont de Bothwell, où défunt mon père la portait ; et je ne sais trop même si elle fut tirée ce jour-là, car la bataille ne fut pas longue. Quoi qu’il en soit, elle est collée au fourreau maintenant, de manière à ne plus pouvoir l’en arracher ; en vous voyant tomber sur moi, j’ai donc empoigné la première arme qui est tombée sous ma main. J’avoue que le temps de se battre est à peu près passé pour moi, cependant je ne sais pas endurer un affront. Mais où est l’honnête garçon qui s’est chargé si bravement de ma défense ? il faut que je le régale d’un verre d’eau-de-vie, quand ce serait le dernier que je devrais boire de ma vie.

Le champion qu’il cherchait avait disparu. Il s’était échappé à la fin de la querelle, sans que personne le remarquât ; mais à ses traits sauvages, à sa chevelure rousse et crépue, j’avais eu le temps de reconnaître Dougal, le porte-clefs fugitif de la prison de Glasgow. J’en fis part tout bas au bailli, qui répondit du même ton : « Fort bien ! fort bien ! je vois que celui que vous savez bien avait raison de dire que ce Dougal a des éclairs de bon sens. Il faut que je pense à ce que je pourrai faire pour lui. »