Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/340

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nous ferons donc aussi bien de le leur laisser, monsieur Osbaldistone ; car il est prudent de ne pas mal parler du laird lorsqu’on est sur ses domaines. » Cependant il ajouta un moment après, en voyant une ou deux lumières briller devant nous : « Ce sont des illusions de satan après tout, et je ne crains pas de le dire, car j’aperçois les lumières du clachan d’Aberfoïl, et notre voyage sera bientôt terminé. »

J’avoue que cette remarque de M. Jarvie me fut fort agréable, moins parce qu’elle lui permettait d’exprimer à haute voix ses véritables sentiments sur les Daoine Shie, que parce qu’elle nous promettait quelques heures de repos, dont, après une traite de plus de cinquante milles, hommes et chevaux, nous avions tous un égal besoin.

Nous traversâmes le Forth à sa source sur un vieux pont de pierre très-élevé et très-étroit. Mon compagnon m’apprit cependant que pour traverser cette rivière importante et profonde, ainsi que les ruisseaux qui lui paient leur tribut de leurs eaux, le passage général des hautes terres au sud se faisait à un endroit appelé les Gués de Frew, traversée toujours pénible et difficile, et quelquefois même impossible. Excepté ces gués, on ne trouve aucun passage, si ce n’est en descendant à l’est jusqu’au pont de Stirling, de sorte que la rivière de Forth constitue une ligne naturelle de défense entre les hautes et les basses terres d’Écosse, depuis sa source jusqu’au frith ou golfe que forme l’Océan, et dans lequel elle se perd. Les événements subséquents dont nous fûmes témoins rappelèrent à mon attention une remarque suggérée par la sagacité du bailli Jarvie, qui me dit avec toute son originalité proverbiale, « que le Forth bride le sauvage montagnard. »

Un demi-mille environ après avoir passé le pont, nous nous trouvâmes à la porte du cabaret où nous devions passer la nuit… C’était une hutte plus misérable encore que celle où nous avions dîné… Mais on voyait de la lumière à ses petites croisées, on entendait le son des voix dans l’intérieur, et tout semblait nous annoncer que nous y trouverions un gîte et un souper, perspective qui ne nous était nullement indifférente. André fut le premier à faire la remarque qu’il y avait une branche de saule dépouillé de son écorce, placée en travers du seuil de la porte entr’ouverte… Il recula d’un pas, et nous conseilla de ne pas entrer ; « car, nous dit-il, ceci annonce que quelques-uns de