Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/322

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singulière chose, messieurs, que moi qui suis un homme paisible, et le fils d’un homme paisible, car mon père le diacre n’eut jamais de discussion avec personne, même dans le conseil de la ville ; c’est une chose singulière, dis-je, comme le sang montagnard s’échauffe en moi quand j’entends ces étranges récits ; et quelquefois, Dieu me pardonne ! il me semble que j’y prends plus de plaisir qu’à des discours utiles. Pourtant ce ne sont que des vanités, des vanités mondaines, et, qui plus est, contraires aux lois du pays et à celles de l’Évangile. »

Je continuai de chercher à m’éclairer encore davantage en demandant quels moyens d’influence ce M. Robert Campbell pouvait exercer sur mes affaires et sur celles de mon père.

« Il faut que vous sachiez, me dit M. Jarvie en baissant la voix, je parle ici entre amis… et sous la rose[1] ; il faut que vous sachiez que les montagnards ont été assez tranquilles depuis 1689, l’année de Killicankrie ; mais comment croyez-vous qu’on y soit parvenu ? c’est avec de l’argent, monsieur Owen, avec de l’argent, monsieur Osbaldistone. Le roi Guillaume y fit distribuer par Breadalbane 20 mille bonnes livres, et l’on dit même que le vieux comte en garda une grande partie dans sa poche. Ensuite feu la reine Anne donna des pensions aux chefs pour les mettre en état de soutenir ceux de leurs vassaux qui ne travaillaient pas, comme je l’ai déjà expliqué ; ils se tinrent donc assez tranquilles, à l’exception de quelques pillages dans le pays plat dont ils ne peuvent jamais perdre l’habitude, et de quelques combats entre eux, ce dont aucun individu civilisé ne s’occupe et ne se soucie. Tout cela allait bien ; mais depuis l’avènement du roi George (que Dieu bénisse !) tout est bien changé ; on ne leur donne plus, à ce qu’il paraît, ni argent, ni pensions ; ils n’ont donc plus le moyen de soutenir leurs clans, qui, comme je l’ai déjà dit, sont à leur charge ; et ils ont perdu tout crédit parmi les habitants de la plaine ; car un homme qui peut, d’un seul coup de sifflet, rassembler sous ses ordres mille à quinze cents montagnards prêts à exécuter ses volontés, ne trouverait pas à emprunter 50 livres sur la place de Glasgow. Un tel état de choses ne peut être de longue durée ; il y aura une insurrection en faveur des Stuarts ; oui, une insurrection. Ils fondront du haut de leurs montagnes comme un déluge, ainsi qu’ils firent dans les guerres désastreuses de Montrose, et on entendra parler de cela avant qu’il se passe encore un an.

  1. En confidence. a. m.