Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/315

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dangereux, et en relations intimes avec l’auteur de notre ruine ?

— Vous jugez Rob sévèrement, trop sévèrement, le pauvre garçon. Mais la vérité est que vous ne vous faites pas une idée de nos montagnes ou hautes terres, comme nous les appelons. La race qui les habite est toute différente de la nôtre. Il n’y a pas de baillis parmi eux, pas de magistrats qui portent le glaive de la justice comme le portait le digne diacre mon père, et je puis ajouter comme je le porte moi-même aujourd’hui avec les autres magistrats de Glasgow. L’ordre du laird est leur règle, l’obéissance leur vertu ; ils n’ont pas d’autre loi que celle qui est au bout de leurs poignards. Le sabre est le poursuivant ou le plaignant, comme vous autres Anglais l’appelez, et le bouclier est le défendeur. La tête la plus forte est celle qui résiste le plus long-temps. Voilà ce que c’est qu’un procès dans les hautes terres. »

Owen poussa un profond soupir, et j’avoue que cette description ne me fit pas naître le désir de visiter ces montagnes d’Écosse où régnait un tel désordre.

« Nous parlons rarement de ces choses-là, continua M. Jarvie, parce qu’elles nous sont familières. À quoi bon d’ailleurs discréditer ses parents et son propre pays devant des étrangers, devant des Anglais ? C’est un vilain oiseau que celui qui salit son propre nid.

— Fort bien, monsieur. Cependant, comme ce n’est pas de ma part une curiosité impertinente, mais bien une nécessité réelle qui m’oblige à vous faire ces questions, j’espère que vous ne vous offenserez pas si je vous presse de me donner encore là-dessus quelques renseignements. J’aurai à traiter pour les affaires de mon père avec quelques gentilshommes de ces contrées sauvages, et votre expérience seule peut me fournir les lumières dont j’ai besoin. »

Ce petit coup d’encensoir ne fut pas donné en vain.

« Mon expérience ! dit le bailli ; sans doute que j’ai de l’expérience, et j’ai fait quelques calculs dans ma vie. Je vous avouerai même, puisque nous en causons tranquillement entre nous, que j’ai pris quelques informations par l’entremise d’André Wylie, mon ancien commis ; il est maintenant employé dans la maison Mac-Vittie et compagnie, mais cela n’empêche pas qu’il ne vienne boire un coup le samedi soir avec son ancien patron : et puisque vous êtes disposé à vous laisser guider par les conseils du marchand de Glasgow, je ne suis pas homme à les refuser au