Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/309

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je vous connais aussi ; mais pourquoi êtes-vous ce que vous êtes, c’est ce qui n’est connu que de vous, et ce que personne ne saura qu’au grand jour du jugement. Maintenant, monsieur Frank, lâchez-lui le collet, car il parle vrai quand il dit que vous avez plus à craindre d’un magistrat que lui-même. Oui, votre cause fût-elle droite comme le vol d’une flèche, il trouverait moyen de la faire aller de travers. Ainsi, comme je vous le disais, lâchez son collet. «

Il accompagna ces paroles d’un effort si soudain et si vigoureux, qu’il débarrassa Rashleigh, et, malgré ma résistance, il me saisit les bras avec la force d’Hercule, en s’écriant : « Profitez du moment, monsieur Rashleigh ; montrez qu’une bonne paire de jambes vaut deux paires de bras : ce ne sera pas la première fois que cela vous sera arrivé.

— Cousin, dit Rashleigh, vous pouvez remercier monsieur si je vous quitte avant de vous avoir entièrement payé ma dette ; mais si je pars, ce n’est qu’avec l’espoir que nous nous retrouverons bientôt sans qu’il y ait possibilité d’interruption. »

Il ramassa son épée, l’essuya, la remit dans le fourreau, et se perdit bientôt parmi les arbres.

Le montagnard, moitié par force, moitié par conviction, m’empêcha de le suivre, car j’avoue que je commençais à croire que cela ne me servirait pas à grand’chose. Voyant alors qu’il n’était plus nécessaire de me serrer si fortement et que je paraissais disposé à rester tranquille :

« Par le pain qui me nourrit, me dit-il, je n’ai jamais vu de tête si opiniâtre ! Je crois vraiment qu’il n’y a pas d’homme auquel je n’eusse tordu le cou s’il m’avait causé la moitié autant de peine pour le retenir. Que vouliez-vous faire ? c’était suivre le loup dans son antre. Je vous dis qu’il a tendu ses filets autour de vous. Il a retrouvé le collecteur Morris et lui a fait renouveler toute sa vieille histoire : n’espérez pas ici de moi le secours que vous en avez eu chez le juge Inglewood. Il n’est pas bon pour ma santé de m’approcher de trop près de ces diables de baillis. Allons, retournez chez vous comme un bon garçon, occupez-vous de vos affaires, et laissez les autres s’occuper des leurs. Évitez la présence de Rashleigh, de Morris, et de cet autre animal Mac-Vittie. Songez au clachan d’Aberfoïl, et, foi de gentilhomme, je le répète, je ne souffrirai pas qu’on vous fasse aucun tort. Mais tenez-vous tranquille jusqu’à ce que nous nous revoyions. Il