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tants pouvaient se dire en sûreté, ni leurs personnes, ni leurs biens, s’ils ne lui payaient le honteux et pesant tribut du blackmail. Enfin, il en vint à un tel degré d’audace, qu’à la tête d’une troupe d’hommes armés très-considérable, en plein jour, et à la face du gouvernement, il commettait des vols, levait des contributions et engageait des rixes sanglantes[1]. »

L’étendue et le succès de ces déprédations ne doivent pas surprendre, quand nous considérons qu’elles avaient pour théâtre un pays où la loi commune n’obtenait ni force ni respect.

Après avoir rappelé que l’habitude générale de voler des bestiaux aveuglait les gens des meilleures classes elles-mêmes sur l’infamie d’une pareille conduite, et que, comme leur fortune consistait entièrement en troupeaux, ils la voyaient diminuer de jour en jour, M. Grahame ajoute :

« De là résulte qu’il y a peu de terres cultivées, point de pâturages entretenus, et par conséquent ni manufactures ni commerce, bref, point d’industrie. Les habitants ont tous beaucoup d’enfants, de sorte que, d’après l’état actuel du pays, il n’y a pas d’ouvrage pour la moitié de cette nombreuse population. Partout l’on ne trouve que des gens oisifs, habiles à manier les armes, mais paresseux en tout, si ce n’est pour les rapines et les déprédations. Comme le pays est couvert de bouchons ou cabarets, ils y vont tuer le temps, et y dépensent les profits de leur illégale profession. Là les lois n’ont jamais été exécutées, ni l’autorité du magistrat jamais établie. Là l’officier de la loi n’ose ni ne peut remplir son devoir, et, en plusieurs endroits, il n’y a pas même un juge à trente milles à la ronde. En un mot, il n’y a ni ordre, ni autorité, ni gouvernement. »

Lorsque la rébellion de 1715 éclata, la célébrité de Rob-Roy était récente encore. Ses opinions jacobites remportèrent alors sur la reconnaissance qu’il devait au duc d’Argyle pour la protection qu’il avait indirectement obtenue de lui ; mais le désir de mêler le bruit de ses pas au tumulte d’une guerre générale » le poussa à se joindre aux forces du comte de Mar, quoique son patron le duc d’Argyle, fût à la tête de l’armée qui combattait les montagnards insurgés.

Les Mac-Gregor, un grand nombre d’entre eux du moins, les

  1. Origine de l’insurrection des montagnards, par M. Grahame de Gartmore. Voyez les Lettres de Burt sur le nord de l’Écosse, édition de Jamieson, appendice, vol. II, page 348. a. m.