Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/297

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— Que le Seigneur nous pardonne ! Est-ce que Votre Honneur a perdu la tête ?

— Non, mais je crois que vous voulez me la faire perdre ; je vous donne un tiers environ au-delà de votre demande, et vous restez là à ouvrir de grands yeux et à vous récrier, comme si je vous faisais du tort ; prenez votre argent et laissez-moi tranquille.

— Dieu me soit en aide ! en quoi puis-je avoir offensé Votre Honneur ? Certainement toute chaire est fragile comme la fleur des champs ; mais si une planche de camomille est de quelque utilité en médecine, certes André Fairservice ne l’est pas moins auprès de Votre Honneur. C’est risquer la valeur de votre vie que de vous séparer de moi.

— Sur mon honneur, il est difficile de prononcer si vous êtes plus fou que fripon. Ainsi donc, votre intention est de rester avec moi, que je le veuille ou non ?

— Ma foi, c’est ce que je pensais, reprit André d’un ton dogmatique ; car si Votre Honneur ne sait pas ce que c’est qu’un bon serviteur, je sais ce que c’est qu’un bon maître ; et le diable m’emporte si je vous quitte ! Voilà le bref et le long de la chose. D’ailleurs je n’ai pas reçu d’avertissement régulier de quitter ma place.

— Votre place, monsieur ? Vous ai-je engagé auprès de moi comme domestique ? Vous n’avez été que mon guide, et ne m’avez servi que par la connaissance que vous aviez de la route.

— Je conviens, monsieur, que je ne suis pas un domestique ordinaire ; mais Votre Honneur se rappellera que j’ai quitté une bonne place, en une heure de temps, à sa sollicitation. Un homme pouvait se faire honnêtement vingt livres bien comptées, du jardin d’Osbaldistone, et il n’était pas probable, je pense, que j’abandonnerais cela pour une guinée. Je comptais rester avec Votre Honneur au moins un terme, et j’ai droit aux gages, à la nourriture, aux gratifications et profits que j’aurais eus pendant tout ce temps, pour le moins.

— Allons, allons, monsieur, ces impudentes prétentions ne vous serviront à rien, et si vous dites un mot de plus, je vous convaincrai que l’écuyer Thorncliff n’est pas le seul de mon nom qui sache faire usage du bâton. »

Tout en parlant ainsi, cette scène me parut si ridicule que, quoique réellement en colère, j’eus de la peine à m’empêcher de