Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/292

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tant de bouffonnerie que de pathétique dans le ton adouci dont il fit cette question.

« Oublié ! répondit son parent ; et pourquoi l’aurais-je oublié ? C’était un bon tisserand, et c’est lui qui m’a fait ma première paire de bas. Mais allons, cousin, ajouta-t-il en chantant,


Allons, vite, emplissez mon broc et ma besace,
Puis sellez mes chevaux, appelez mon valet,
Et hâtez-vous d’ouvrir vos portes, s’il vous plaît :
De Dundee à l’instant je veux quitter la place.


— Chut ! monsieur, dit le magistrat d’un ton d’autorité ; convient-il de chanter ainsi, étant encore si près du jour du sabbat ? Cette maison peut, un jour, vous entendre chanter un autre air. Mais, hélas ! nous aurons tous à rendre compte de nos erreurs. Stanchells, ouvrez la porte. »

Le geôlier obéit, et nous sortîmes tous. Stanchells regarda avec quelque surprise les deux étrangers, et se demanda probablement de quelle manière ils étaient entrés là sans qu’il s’en fût aperçu. Mais M. Jarvie réprima l’envie qu’il aurait eu de faire des questions, en disant : « Ce sont deux de mes amis, Stanchells, deux de mes amis. » Nous descendîmes alors dans le vestibule du bas, et appelâmes plus d’une fois Dougal, qui ne fit aucune réponse. Campbell observa alors, avec un sourire sardonique, que, s’il connaissait bien Dougal, il n’avait pas attendu qu’on lui fît des remercîments de la part qu’il avait prise à la besogne de la nuit ; mais que, vraisemblablement, il avait déjà pris au grand trot la route de Ballamaha.

« Et nous aura laissés, et moi surtout, moi, moi, enfermés dans la prison toute la nuit ! s’écria le bailli avec colère et agitation. Vite des marteaux, des limes, des pinces ! Envoyez chez le diacre Yettlin, le serrurier, et faites-lui savoir que moi, le bailli Jarvie, je me trouve enfermé dans la geôle par un coquin d’Highlandais que je ferai pendre aussi haut qu’Aman.

— Quand vous l’attraperez, dit Campbell gravement. Mais attendez ; la porte n’est sûrement pas fermée. »

En effet, en l’examinant, nous trouvâmes que non-seulement la porte était restée ouverte, mais que, dans sa retraite, Dougal, en emportant les clefs, avait eu soin que personne ne pût exercer de sitôt son emploi de portier.

« Il a des lueurs de sens commun, ce pauvre Dougal, dit Campbell ; il sait qu’une porte ouverte peut m’être utile au besoin. »