Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/264

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français, il y avait quelque chose de judaïque, et néanmoins d’imposant et de touchant, dans cette manière de sanctifier le jour du sabbat. Je finis par comprendre que mes allées et venues continuelles sur le bord de la rivière me feraient remarquer des passants, si elles ne m’exposaient pas à leur critique. Je m’éloignai donc du chemin fréquenté, et je trouvai pour mon esprit une espèce d’occupation en dirigeant mes allées et venues de tous les côtés de la prairie où j’étais le moins exposé à être vu ; les différentes allées qui en occupent l’étendue, et qui, comme celles du parc de Saint-James à Londres, sont plantées d’arbres, me donnaient la facilité d’exécuter ces manœuvres puériles.

En descendant une de ces avenues, j’entendis, à ma grande surprise, la voix aigre et prétentieuse de M. André Fairservice : plein du sentiment de son importance, il l’élevait d’une manière un peu plus bruyante que les autres ne jugeaient convenable à la solennité du jour. Me glisser derrière la rangée d’arbres près de laquelle je marchais n’était peut-être pas un procédé très-noble, mais c’était la manière la plus facile d’échapper à sa vue, à son impertinente assiduité, et à sa curiosité plus importune encore. Il se promenait en causant avec un homme d’une figure grave, en habit noir, chapeau rabattu, et manteau genevois, et je lui entendis faire l’ébauche suivante d’un caractère dont mon amour-propre révolté, tout en n’y voyant qu’une caricature, ne put néanmoins se dissimuler la ressemblance.

« Oui, oui, monsieur Hammorgaw, disait-il, c’est bien comme je vous le dis. Ce n’est pas qu’il manque absolument de sens, il a bien une idée de ce qui est raisonnable ; mais ça n’a pas de suite… c’est une lueur, et voilà tout… Il a la tête fêlée, et farcie d’un tas de sornettes ridicules de poésie… Il s’entichera d’un vieux tronc de chêne dépouillé et pourri, plus que d’un beau poirier en plein rapport ; et un rocher tout nu et stérile vaut mieux à ses yeux qu’un jardin garni de fleurs et d’arbustes. Ensuite il passera son temps à bavarder avec une rusée commère qu’on appelle Diana Vernon (ma foi on pourrait bien l’appeler aussi la Diane des Éphésiens, car elle ne vaut guère mieux qu’une païenne : que dis-je, une païenne ? elle est bien pire, c’est une papiste, une véritable papiste) ; en bien ! il aimera mieux perdre son temps avec elle ou toute autre de son genre, que d’écouter parler des gens tels que vous et moi, monsieur Hammorgaw ; enfin, des gens sensés et religieux comme nous, dont les discours lui se-