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de leurs souffrances. Le voisinage d’un district des basses terres, riche en comparaison du leur, augmentait la tentation d’y faire une descente. Grand nombre de montagnards appartenant à d’autres clans, habitués à mépriser l’industrie et à manier les armes, se précipitèrent vers une frontière sans défense, qui promettait un pillage facile. L’état du pays, aujourd’hui si paisible, vérifia à cette époque une opinion que le docteur Johnson n’admettait qu’avec réserve, que les districts les plus indisciplinés des montagnes étaient ceux qui avoisinaient le plus les basses terres. Il n’était donc pas difficile à Rob-Roy, descendant d’une tribu qui était dispersée dans le pays que nous avons décrit, de rassembler et d’entretenir une troupe capable d’accomplir les opérations qu’il se proposait.

Il semble lui-même avoir été singulièrement propre à la profession qu’il voulait exercer. Sa taille n’était pas des plus grandes, mais sa force était peu commune. La largeur de ses épaules, et la longueur de ses bras, tellement disproportionnée, qu’il pouvait, dit-on, dénouer sans se baisser les jarretières de sa culotte de montagnard, qui se placent à deux pouces au-dessous du genou, étaient chez lui deux particularités remarquables. Son visage ouvert, mâle, sombre dans les moments de péril, exprimait la franchise et la gaieté dans ses instants de bonheur. Ses cheveux, d’un rouge foncé, épais, frisés, tombaient en petites boucles autour de son visage. Son habillement laissait voir, suivant l’usage, son genou et le haut de ses jambes, que l’on m’a décrites comme ressemblant à celles d’un taureau des montagnes, couvertes de poils roux, et montrant une force musculaire presque égale à celle de cet animal. À ces caractères particuliers, il faut ajouter son adresse admirable dans le maniement de l’épée des Highlandais, avec laquelle la longueur de son bras lui donnait un grand avantage, outre une connaissance parfaite de toutes les retraites du pays sauvage où il demeurait, ainsi que du caractère des différents individus, amis ou ennemis, avec lesquels il pouvait se trouver en contact.

Quant à ses qualités morales, elles ne semblent pas moins favorables aux circonstances dans lesquelles il était placé. Quoique descendant du sanguinaire Ciar-Mohr, il n’hérita point de la férocité de ses ancêtres. Au contraire, Rob-Roy évitait tout acte de cruauté, et il n’est pas avéré qu’il ait jamais, sans nécessité, répandu le sang, ou tenté sciemment une entreprise qui pût le forcer à en répandre. Ses plans de pillage, mûris dans le secret,