Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/236

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chaumière, devant laquelle coulait un petit ruisseau et s’étendait un parterre d’environ un quart d’arpent ; derrière, un jardin potager ; à côté, un enclos pour une vache, et un petit champ ensemencé de diverses espèces de grains plutôt pour la jouissance des habitants de la maison que pour la vente : tout annonçait enfin l’abondance et la réunion de ces biens qu’offre la vieille Angleterre, jusque dans les coins du nord les plus reculés, au plus pauvre de ses habitants.

En approchant de la maison du prudent André, j’entendis le son d’une voix dont le ton solennel, nasal et prolongé, me porta à croire qu’André, suivant la coutume louable et méritoire de ses concitoyens, avait assemblé quelques-uns de ses voisins pour se joindre à lui dans ses dévotions du soir, car il n’avait ni femme, ni fille, ni personne du sexe féminin auprès de lui. « Le premier homme qui cultiva la terre, disait-il, avait eu assez de ce bétail. » Cependant il parvenait quelquefois à se composer un auditoire de catholiques et de membres de l’église anglicane du voisinage, qu’il comparait à des tisons arrachés du feu, et sur lesquels il exerçait ses talents spirituels en dépit du P. Vaughan, du P. Docharty, de Rashleigh, et de tous les anglicans qui l’entouraient, et qui regardaient son intervention dans ces matières comme une hérésie qui s’introduisait en contrebande. Il me paraissait donc probable que ses voisins bien disposés se fussent rassemblés chez lui pour tenir une assemblée de cette nature ; mais en écoutant plus attentivement, je reconnus que le bruit provenait entièrement des poumons d’André ; et quand je l’interrompis en entrant dans la maison, je le trouvai seul, lisant à haute voix pour sa propre édification un volume de controverses théologiques, et luttant avec ardeur contre des mots longs et difficiles qu’il ne pouvait comprendre. Mettant de côté un énorme in-folio : « J’étais occupé, me dit-il lorsqu’il me vit entrer, à chercher un charme dans le digne docteur Lightfoot[1]. »

— Lightfoot ! » répliquai-je en regardant avec quelque surprise son formidable volume ; « à coup sûr votre auteur fut malheureusement nommé.

— Oui, monsieur, Lightfoot était son nom, et c’était un théologien comme on n’en voit plus de nos jours. Quoi qu’il en soit, je vous demande pardon de vous tenir ainsi debout à la porte, mais

  1. Pied léger. a. m.