Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/235

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tache ineffaçable, un malheur sans remède auquel rien dans la vie ne pourrait plus apporter de consolation, et qui ne se terminerait que par une mort que le chagrin ne pouvait manquer de rendre prochaine.

Mon esprit était donc occupé des moyens de détourner cette catastrophe, avec un degré d’intensité que l’intérêt n’aurait pu exciter en moi s’il eût été question de mon propre sort : le résultat de ma délibération fut de quitter Osbaldistone-Hall le lendemain matin, et d’aller joindre Owen à Glasgow sans perdre de temps. Je ne jugeai pas à propos d’informer mon oncle de mon départ autrement que par une lettre dans laquelle je le remerciais de son hospitalité et l’assurais qu’une affaire aussi soudaine qu’importante m’avait seule empêché de le faire personnellement ; je savais que le vieux chevalier était lui-même trop sans façon pour ne pas me dispenser volontiers de toute cérémonie, et j’avais une telle opinion de l’étendue et de la profondeur des complots de Rashleigh, que je craignais qu’il n’eût préparé d’avance quelques moyens de faire manquer un voyage dont le but était de les déjouer, et qu’il ne les mît en œuvre, si mon départ avait été publiquement annoncée Osbaldistone-Hall.

Je résolus donc de me mettre en route le lendemain matin à la pointe du jour, et de franchir la frontière du royaume voisin avant que personne au château pût se douter de mon départ. Mais un obstacle assez puissant semblait s’opposer à la célérité d’où dépendait le succès de mon voyage. J’ignorais non seulement le plus court chemin pour me rendre à Glasgow, mais je n’en connaissais même aucun, et comme la situation où je me trouvais ne permettait aucun retard, je résolus de consulter André Fairservice à ce sujet, comme étant le plus à ma portée et me paraissant capable de me donner là-dessus des renseignements exacts. Malgré l’heure avancée, je partis dans l’intention de m’assurer de ce point important, et après quelques minutes de marche j’arrivai à la demeure du jardinier.

L’habitation d’André était située à peu de distance du mur extérieur du jardin ; c’était une de ces chaumières propres et commodes du comté de Northumberland, bâtie de pierres grossièrement taillées, dont les croisées et les portes étaient décorées de lourdes architraves ou linteaux massifs en pierre brute, et dont le toit était couvert de larges dalles grisâtres au lieu d’ardoises, de chaume ou de tuiles. Un poirier s’élevait à l’un des angles de la