Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/228

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cacher son projet, j’arrivai à la porte de la bibliothèque. Là j’hésitai un instant, la main sur la clef ; j’entends marcher, j’ouvre, et je trouve miss Vernon seule.

Diana parut surprise ; était-ce de ma brusque apparition ou de toute autre cause, je ne pouvais le deviner ; mais il y avait en elle une expression de trouble que je ne lui avais jamais vue, et qui ne pouvait provenir que d’une émotion extraordinaire. Cependant elle redevint calme en un instant ; et telle est la force de la conscience, que moi, qui voulais la surprendre, je restai interdit et confus.

« Est-il arrivé quelque chose ? dit miss Vernon ; quelqu’un est-il venu au château ?

— Personne que je sache, lui répondis-je ; je venais chercher l’Orlando.

— Le voilà, » dit miss Vernon en me le montrant sur la table.

En remuant quelques livres pour prendre celui que je prétendais chercher, je méditais quelque moyen de faire une retraite honorable devant un adversaire aussi pénétrant que miss Vernon, et, dans le trouble que me causait ma fausse position, je n’en pouvais trouver, quand je vis un gant d’homme placé sur la table. Mes yeux rencontrèrent ceux de Diana, qui rougit aussitôt.

« C’est une de mes reliques, dit-elle avec hésitation, répondant à mes regards ; c’est un gant de mon grand-père, l’original du superbe portrait de Van Dyck que vous admirez. »

Comme si elle pensait qu’il fallait quelque chose de plus que cette simple assertion pour me convaincre, elle ouvrit un tiroir de la large table de chêne, et prenant un autre gant elle me le jeta. Quand un caractère naturellement ouvert et franc cherche à dissimuler ou à mentir, la difficulté qu’il y éprouve éveille souvent le doute. Je regardai les deux gants, et répondis d’un ton grave : « Ils se ressemblent sans doute pour la forme et la broderie ; mais ils ne sont pas de la même paire, puisqu’ils sont tous deux de la main droite. »

Elle se mordit la lèvre de colère, et rougit de nouveau.

« Vous avez raison de me confondre, reprit-elle avec amertume ; un ami aurait compris, d’après ce que j’ai dit, que je ne voulais pas expliquer plus clairement une circonstance qui ne regarde personne, surtout un étranger. Vous avez jugé mieux, et vous m’avez fait sentir la bassesse de la duplicité, et l’impossibilité que j’éprouve à mentir. Je vous le dis donc maintenant sans détour.