Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mes yeux suivirent la direction des siens pendant qu’elle parlait, et je crus voir remuer la tapisserie qui couvrait la porte secrète conduisant à l’appartement de Rashleigh ; je compris qu’on nous observait, et je portai les yeux sur Miss Vernon.

« Ce n’est rien, me dit-elle faiblement ; c’est sans doute un rat derrière cette tapisserie. »

Mort pour un ducat[1] ! aurais-je répondu si j’avais osé céder à l’indignation que j’éprouvais d’avoir été soumis à un espionnage en pareille occasion ; mais la prudence, la nécessité de dissimuler mon amour, et les prières réitérées de Diana m’arrêtèrent. Je quittai l’appartement dans la plus grande agitation, que je cherchai en vain à calmer en regagnant le mien.

Mille idées confuses se précipitèrent à la fois dans mon esprit, s’entreheurtant l’une l’autre, et semblables à ces brouillards que, dans les pays montagneux, on voit descendre en masses épaisses, et défigurer ou faire disparaître les marques auxquelles le voyageur reconnaît sa route dans les déserts. L’idée obscure et imparfaite du danger dont mon père était menacé par les machinations d’un Rashleigh… la demi-déclaration que j’avais faite à miss Vernon… les embarras de sa situation, qui l’obligeaient de se sacrifier au cloître ou à une union mal assortie… toutes ces choses se présentaient ensemble à mon esprit, sans que ma raison fût en état de considérer aucune d’elles avec calme et réflexion. Mais, par-dessus tout, j’étais tourmenté par la manière dont miss Vernon avait reçu l’expression de ma tendresse, et par ce mélange de sympathie et de fermeté qui semblait annoncer que son cœur s’intéressait à moi, mais trop faiblement pour contre-balancer les obstacles qui s’opposaient à l’aveu d’un sentiment partagé. L’expression de crainte plutôt que de surprise avec laquelle elle avait regardé le mouvement de la tapisserie, annonçait l’appréhension d’un danger que je ne pouvais que croire réel, car Diana Vernon était peu sujette aux émotions nerveuses de son sexe, et elle était tout à fait incapable de s’effrayer sans motif présent et positif.

De quelle nature étaient ces mystères qui l’entouraient comme un réseau magique, et qui paraissaient exercer une active et continuelle influence sur ses pensées et ses actions, sans que les agents en fussent jamais visibles ? Mon esprit s’arrêta sur ce sujet de doute, comme satisfait de laisser de côté les réflexions sur mes

  1. Paroles d’Hamlet en frappant Polonius. a. m.