Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/220

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« Il y en a beaucoup, » dit-elle en jetant un coup d’œil sur le papier, et interrompant les plus doux sons qu’une oreille humaine pût entendre, ceux des vers d’un jeune poète lus par la bouche qui lui est la plus chère.

« Beaucoup trop, sans doute, pour réclamer votre attention, miss Vernon, » répliquai-je un peu mortifié, et reprenant le papier qu’elle ne chercha point à retenir. « Cependant, continuai-je, enfermé dans cette retraite, j’ai cru ne pouvoir mieux employer mon loisir qu’à continuer, pour mon amusement seulement, comme vous pouvez croire, la traduction de ce charmant auteur, que j’ai commencée il y a quelques mois, sur les bords de la Garonne.

— La question serait seulement de savoir, dit Diana avec gravité, si vous ne pouviez mieux employer votre temps ?

— Vous voulez dire à des compositions originales, répondis-je singulièrement flatté ; mais, à vous parler franchement, mon génie est de nature à trouver des mots et des rimes plutôt que des idées ; aussi je trouve commode de me servir de celles de l’Arioste : cependant, miss Vernon, avec l’encouragement que vous voulez bien me donner…

— Pardon, monsieur Frank, je ne vous donne pas des encouragements, vous les prenez. Je ne veux vous parler ni de composition originale ni de traduction, car je crois que vous pourriez mieux employer votre temps. Vous êtes mortifié, ajouta-t-elle, et je suis fâchée d’en être la cause.

— Mortifié ! nullement, non certainement, dis-je de la meilleure grâce qu’il me fût possible, « je suis trop sensible à l’intérêt que vous me témoignez.

— Ah ! reprit l’inflexible Diana, il y a de la mortification, et même un petit grain de colère, dans votre air contraint ; ne vous fâchez point si je sonde ainsi vos sentiments ; peut être ce que je vais vous dire vous contrariera encore davantage. »

Je sentis combien ma conduite était puérile, combien miss Vernon se montrait au-dessus de moi ; et je l’assurai qu’elle ne devait point craindre que je me révoltasse contre une critique que je savais n’être due qu’à sa bienveillance.

« Cela est mieux dit, répondit-elle ; je savais fort bien que le démon de l’irritabilité poétique s’en irait avec le petit prélude de toux qui a précédé votre déclaration. Et maintenant parlons de choses sérieuses. Avez-vous reçu depuis peu des nouvelles de votre père ?