Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/206

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Aussitôt, appuyant les deux mains sur sa bêche, il l’enfonça en terre ; me regardant alors avec l’air de supériorité d’un homme qui sait d’importantes nouvelles, et qui peut les taire ou les dire à son gré, il baissa les manches de sa chemise, et alla lentement prendre sa veste qu’il avait pliée et posée avec soin sur un banc.

Il me faut expier la faute d’avoir interrompu cet ennuyeux bavard, pensai-je, et écouter l’histoire de M. Fairservice comme il voudra me la raconter. Prenant donc la parole, je lui dis :

« Eh bien ! André, quelles sont donc ces nouvelles de Londres que vous a racontées votre cousin le marchand ambulant ?

— Le colporteur, voulez-vous dire ? reprit André… Mais appelez-les comme vous voudrez ; ils sont très-utiles dans un pays où les villes sont aussi rares que dans ce comté de Northumberland. En Écosse, c’est bien différent ; le comté de Fife, par exemple, c’est comme une grande cité, tant il y a de bourgs royaux qui se touchent l’un l’autre, comme les perles d’un collier, avec leurs grandes rues, et leurs maisons de pierre et de chaux, leurs escaliers en dehors… Kirkcaldy, qui en est la capitale, est plus grande qu’aucune ville d’Angleterre.

— Tout cela est sans doute beau et superbe, mais vous parliez tout à l’heure des nouvelles de Londres, André ?

— Oui, répondit André, mais je croyais que Votre Honneur ne se souciait guère de les connaître. Toutefois, continua-t-il en ricanant, Pate Macready prétend qu’ils sont très en colère à Londres, dans leur parlement, pour le vol fait à ce Morris.

— Dans le parlement, André ! et comment en ont-ils été instruits ?

— C’est justement ce que j’ai dit à Pate ; si cela vous intéresse, je vous rapporterai sa réponse en propres termes ; ça ne vaut pas la peine de faire un mensonge… Pate, lui dis-je, qu’est-ce donc que les lords, les lairds et les gentlemen de Londres ont affaire avec cette valise ? Quand nous avions un parlement en Écosse (maudits soient ceux qui nous l’ont enlevé !), ils étaient tranquillement assis à faire des lois pour le royaume, sans fourrer leur nez dans des affaires qui sont de la compétence des juges ordinaires. Mais je crois que si une marchande de choux arrachait le bonnet de sa voisine, ils la traduiraient devant le parlement de Londres. Ils sont aussi raisonnables que notre vieux laird, ses fils, avec ses piqueurs, ses chiens et tout son attirail de chasse, courant tout