Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/199

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quand il partirait pour Londres, de donner à Owen une idée de son caractère, afin qu’il pût veiller sur les intérêts de mon père. L’avarice ou l’ambition, pensais-je, peut avoir un aussi grand attrait, un plus grand peut-être pour une âme comme celle de Rashleigh, qu’un coupable libertinage. L’énergie de son caractère, son aptitude à se parer des meilleures qualités, pouvaient lui attirer la plus entière confiance, et il n’y avait pas lieu d’espérer que la bonne foi ou la reconnaissance l’empêchât d’en abuser. La tâche était difficile, surtout dans ma position, puisque la méfiance que je voudrais inspirer pourrait être attribuée à ma jalousie contre celui qui devait prendre ma place dans la faveur de mon père. Cependant je pensais qu’il fallait absolument écrire dans ce sens à Owen qui, de son côté, prudent et circonspect comme il était, saurait user convenablement des connaissances que je lui aurais données du caractère de Rashleigh. J’écrivis donc cette lettre, et l’envoyai à la poste par la première occasion.

Quand je revis Rashleigh, nous parûmes l’un et l’autre disposés à éviter tout prétexte de querelle. Il se doutait probablement que l’entretien que j’avais eu avec miss Vernon ne lui avait pas été favorable, quoiqu’il ne pût savoir qu’elle avait été jusqu’à me révéler l’infamie qu’il avait méditée contre elle. Nous nous tînmes donc l’un et l’autre sur la réserve, ne nous entretenant que de sujets indifférents. Il ne resta que peu de jours encore à Osbaldistone-Hall, et pendant ce temps je remarquai deux circonstances frappantes. La première était la facilité presque inconcevable avec laquelle son esprit puissant et actif saisit et coordonna les éléments de la nouvelle profession qu’il étudiait avec ardeur, faisant quelquefois parade de ses progrès, comme pour me montrer combien était léger pour lui ce fardeau que je m’étais jugé incapable de porter. La seconde circonstance remarquable était que, malgré le mal que miss Vernon disait de Rashleigh, ils avaient des entrevues secrètes et fort longues, bien que devant tout le monde ils ne parussent pas plus intimes qu’à l’ordinaire.

Quand le jour du départ de Rashleigh fut arrivé, son père lui dit adieu avec indifférence, ses frères avec la joie mal dissimulée d’écoliers qui voient partir leur maître d’étude, et n’osent exprimer le plaisir qu’ils éprouvent, et moi, avec une froide politesse. Quand il s’approcha de miss Vernon, et voulut la saluer, elle recula avec dédain, mais elle lui dit en lui tendant la main : « Adieu,