Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/179

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que vous n’échangez qu’à regret la position d’un obscur prêtre catholique, avec tous les sacrifices qu’elle impose, contre les richesses, la société et les plaisirs du monde. »

Rashleigh vit qu’il avait poussé trop loin sa modération affectée, et après un instant de silence, pendant lequel, je suppose, il calcula quel était le degré de franchise qu’il fallait employer avec moi (car c’était une chose qu’il ne prodiguait pas sans nécessité), il me répondit en souriant : « À mon âge, être condamné à vivre, comme vous le dites, au milieu de la richesse et du monde, n’est sans doute pas une chose fort alarmante. Mais permettez-moi de vous le dire, vous vous êtes mépris sur la position à laquelle j’étais appelé… Prêtre catholique, oui ; mais obscur, non… Non, monsieur, Rashleigh Osbaldistone restera plus obscur, même en s’élevant au rang des plus riches négociants de Londres, que s’il devenait membre de cette Église dont les ministres, comme on l’a dit, posent leurs pieds sur la tête des rois. Ma famille jouit de quelque crédit auprès de certaine cour exilée, et cette cour doit posséder et possède en effet un plus grand crédit encore auprès de celle de Rome. Mes talents ne sont point au-dessous de l’éducation que j’ai reçue. Sans m’abuser, j’ai pu prétendre à une place élevée dans cette Église ; sans quelque illusion d’amour-propre, j’ai pu même songer à la plus élevée. Pourquoi (continua-t-il en riant, car c’était une partie de son art de laisser douter s’il parlait sérieusement ou s’il plaisantait), pourquoi le cardinal Osbaldistone, d’une noble famille, ne disposerait-il pas de la fortune des empires aussi bien que Mazarin, d’une naissance obscure, et Alberoni, fils d’un jardinier italien.

— Sans doute, je ne puis dire le contraire ; mais à votre place, je ne regretterais guère de perdre la chance d’une élévation aussi précaire, aussi propre à exciter l’envie.

— Aussi ne le regretterais-je point si mon sort présent était assuré ; mais il dépend de circonstances dont l’expérience seule m’apprendra l’effet, des dispositions de votre père, par exemple.

— Avouez la vérité sans ruse, Rashleigh, vous voudriez que je vous fisse connaître son caractère ?

— Puisque, à l’exemple de Diana Vernon vous suivez la bannière de la sincérité, je vous répondrai : oui.

— Vous saurez donc que mon père a suivi la carrière du commerce plutôt parce qu’elle lui offrait les moyens de développer ses talents que par amour de l’or qu’on y trouve. Son esprit actif