Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/173

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Rashleigh convint avec moi que cela était fort extraordinaire, et parut regretter de n’avoir point questionné l’Écossais d’une manière plus précise sur un objet qui lui semblait très-mystérieux. « Mais, ajouta-t-il, êtes-vous sûr que Morris n’ait réellement pas dit dans sa déclaration que Campbell l’accompagnait ?

— Je l’ai parcourue très-rapidement, dis-je ; mais je crois être certain que cette circonstance n’y était pas mentionnée ; au moins elle l’était très-légèrement, puisqu’elle a échappé à mon attention.

— C’est cela, c’est cela ! reprit Rashleigh, s’emparant de ce que je venais de dire ; je penche à croire, comme vous, que cette circonstance était mentionnée, mais si légèrement qu’elle vous a échappé. D’ailleurs Campbell aura influencé Morris en l’intimidant. Ce poltron, à ce que j’ai appris, va en Écosse remplir quelque place : et possédant le courage de la terrible colombe ou de la vaillante souris, il aura craint de se faire un ennemi d’un homme tel que Campbell, dont la vue seule lui faisait perdre le peu de bon sens qu’il possède. Vous avez dû remarquer que M. Campbell a quelquefois des manières vives et animées, quelque chose de guerrier dans son ton et sa démarche.

— J’avoue que j’ai été frappé de son air souvent rude et sauvage, qui semble peu convenir à sa paisible profession. A-t-il servi dans l’armée ?

— Oui… C’est-à-dire non, il n’a pas servi, à proprement parler ; mais il a été, je crois, comme la plupart de ses compatriotes, exercé au maniement des armes. Ils les portent, dans les montagnes, depuis l’enfance jusqu’au tombeau. Ainsi, pour peu que vous connaissiez votre compagnon de voyage, vous comprenez aisément qu’il évitera avec soin toute espèce de querelle avec les habitants de l’Écosse. Mais venez ; je vois que vous n’êtes pas grand partisan de la bouteille, et je suis aussi, sous ce rapport, fort indigne du nom d’Osbaldistone. Si vous voulez venir dans mon appartement, nous ferons une partie de piquet. »

Nous nous levâmes pour prendre congé de miss Vernon, qui, pendant que Rashleigh parlait, avait paru, à différentes fois, réprimer difficilement le désir de l’interrompre. Comme nous allions quitter la chambre, le feu étouffé éclata tout à coup.

« Monsieur Osbaldistone, dit-elle, vous pourrez vérifier, par vos propres observations, ce qu’il y a de juste ou de mal fondé dans les insinuations de M. Rashleigh sur M. Campbell et