Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

très-peu de chose à défendre, et qui suis d’une humeur pacifique, j’étais peu disposé à m’exposer au danger. »

Je regardai Campbell pendant qu’il prononçait ces mots, et je ne me rappelle pas avoir vu un plus singulier contraste que celui que formait l’expression d’audace et de dureté de ses traits, avec le ton de douceur et de simplicité de ses paroles. Je vis même sur ses lèvres un léger sourire ironique qui semblait témoigner, comme malgré lui, de son dédain pour ce caractère tranquille et paisible qu’il jugeait à propos de s’attribuer, et qui me fit soupçonner que s’il avait figuré dans l’affaire de Morris, ce ne pouvait être comme victime ou même comme simple spectateur.

Peut-être quelques soupçons se présentèrent alors à l’esprit du juge ; car il s’écria : « Voilà une étrange histoire ! »

L’Écossais parut deviner ce qui se passait en lui, car il changea de ton et de manière, et, laissant en partie de côté cette affectation hypocrite d’humilité qui lui réussissait si peu, il dit d’un air plus franc et plus naturel : « À dire vrai, je suis de ces bonnes gens qui ne se soucient guère de se battre, à moins qu’ils n’aient quelque chose à défendre ; et je n’étais pas dans ce cas quand nous rencontrâmes ces voleurs. Mais, afin que Votre Honneur sache que je suis un homme bien famé, je vous prie de jeter les yeux sur ce billet. »

M. Inglewood prit le papier et lut à demi-voix : « Je certifie que le porteur de cet écrit, Robert Campbell de… (de quelque lieu que je ne puis pas prononcer, dit le juge en interrompant sa lecture) est un homme de bonne famille, de mœurs paisibles, voyageant en Angleterre pour ses affaires particulières, etc., etc. Donné sous notre sceau, à notre château d’Inver… Invere… Inverara… Argyle. »

« C’est un certificat que j’ai jugé à propos de demander à ce digne seigneur (ici Campbell porta la main à sa tête, comme pour toucher son chapeau) Mac Callum More.

— Quel est ce Mac Callum, monsieur, dit le juge ?

— Celui qu’on appelle en Angleterre le duc d’Argyle.

— Je sais très-bien que le duc d’Argyle est un seigneur de grande distinction, et un véritable ami de son pays. J’étais près de lui en 1714, lorsqu’il débusqua le duc de Marlborough de son commandement. Je voudrais qu’il y eût beaucoup de seigneurs comme lui. C’était alors un honnête tory, intime ami d’Ormond. Il s’est rattaché au gouvernement actuel, comme j’ai fait moi-