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des forces de Colquhoun consistait en cavalerie qui ne pouvait manœuvrer sur un terrain marécageux. On dit qu’elle disputa vaillamment le terrain, mais qu’elle fut enfin mise complètement en déroute. Les fugitifs furent égorgés sans miséricorde : deux ou trois cents restèrent sur le champ de bataille. Si les Mac-Gregor, comme cela est avéré, ne perdirent que deux hommes tués dans l’action, ils étaient bien peu provoqués à un si affreux carnage. On dit que leur fureur s’étendit sur une troupe de jeunes étudiants en théologie qui étaient venus imprudemment pour être spectateurs de la bataille. Quelque doute existe sur ce fait, l’acte d’accusation contre le chef du clan n’en faisant pas mention, non plus que l’historien Johnston et un professeur Ross qui écrivit une relation de la bataille vingt-neuf ans après qu’elle eut été livrée : mais il est attesté unanimement par les traditions du pays, et par une pierre qui, placée sur le lieu du combat, est appelée leck a mhinisteir, la pierre du ministre ou du clerc.

Les Mac-Gregor l’imputèrent à la férocité d’un seul homme de leur tribu, célèbre par sa taille et sa vigueur, appelé Dugald Ciar-Mhor, ou le grand homme couleur de souris. Il était frère de lait de Mac-Gregor, et le chef l’avait chargé de la garde de ces jeunes gens, lui recommandant d’empêcher qu’on ne leur fît aucun mal, jusqu’à ce que la bataille fût achevée. Soit qu’il craignît qu’ils ne s’échapassent, soit que des sarcasmes lancés par eux contre sa tribu l’eussent irrité, peut-être aussi entraîné par la soif du sang, ce sauvage, pendant que les autres Mac-Gregor étaient occupés à la poursuite, poignarda ses prisonniers sans défense. Quand le chef, à son retour, demanda où étaient les jeunes gens, le Ciar-Mohr (on prononce kiar) tira sa dague sanglante, et lui dit en gaélique : « Demande à ceci que Dieu sauve mon âme ! » Ces dernières paroles faisaient allusion à l’exclamation que répétaient ses victimes pendant qu’il les égorgeait.

Il paraît donc que cette horrible portion de l’histoire est conforme à la vérité, quoique le nombre des jeunes gens ainsi massacrés soit probablement fort exagéré dans les récits des basses terres. Le peuple dit que le sang des victimes de Ciar-Mohr n’a jamais pu être effacé de dessus la pierre. Mac-Gregor, en apprenant leur mort, exprima la plus profonde horreur de cet acte d’inhumanité, et reprocha à son frère de lait d’avoir commis un crime qui amènerait sa ruine et celle de son clan.

Cet assassin était l’aïeul de Rob-Roy, et de la tribu de laquelle