Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/124

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— Je vous en conjure, soyez toujours sur vos gardes, répliqua miss Vernon, et suivez mes conseils : avant de parler de Rashleigh, montez au sommet d’Otterscope-Hill, d’où vous pouvez voir à trente milles à la ronde… placez-vous sur la pointe, parlez bien bas ; et, après tout, il n’est pas trop sûr que l’oiseau qui sillonne l’air ne lui portera point vos paroles… Rashleigh a été mon précepteur pendant quatre ans ; nous sommes tous deux ennuyés l’un de l’autre, et nous voyons avec le plus vif plaisir notre séparation prochaine.

— M. Rashleigh quitte donc le château d’Osbaldistone ?

— Oui, sous peu de jours… ne le savez-vous pas ?… Votre père est-il donc plus discret que sir Hildebrand ? Eh bien, lorsque mon oncle eut appris que vous alliez devenir son hôte pour quelque temps, et que votre père désirait avoir un de ses fils qui donne de si grandes espérances, pour remplir dans la maison de banque la place lucrative que votre entêtement laisse vacante, monsieur Francis, le bon chevalier a tenu une cour plénière de toute sa famille, y compris le sommelier, le concierge et le garde-chasse. Cette vénérable assemblée n’était pas réunie, comme vous pouvez le croire, pour vous élire un remplaçant ; car toute l’arithmétique de ses frères se bornant à savoir calculer les chances d’un combat de coqs, personne ne pouvait disputer cette place à Rashleigh. Mais une cérémonie solennelle était nécessaire pour transformer Rashleigh, de misérable prêtre catholique qu’il devait être, en un riche et heureux banquier ; et ce ne fut pas sans quelque répugnance que l’assemblée consentit à cette dégradation.

— Je conçois leurs scrupules… mais comment ont-ils passé par dessus ?

— Par le désir général, je pense, de se débarrasser de Rashleigh. Quoique le plus jeune de la famille, il est parvenu, d’une manière où d’une autre, à dominer tout le monde ; chacun sent sa propre dépendance sans pouvoir s’en affranchir. Si on a le malheur de le contrarier, on est sûr d’avoir à s’en repentir avant la fin de l’année ; et si on lui rend un service important, on est sûr de s’en repentir davantage encore.

— À ce compte, répondis-je en souriant, gare à moi ; car je suis la cause involontaire du changement de sa situation.

— Oui, gare à vous ! soit qu’il le regarde comme un avantage ou comme un désavantage… Mais voici le fromage et les radis ; on va porter la santé du roi et de l’église, c’est pour les chapelains