Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/119

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Jacques II. Mais ses rêves ambitieux, s’il avait jamais espéré de plus grandes faveurs, s’étaient dissipés lors de la crise qui renversa son prince du trône, et depuis cette époque il avait mené une vie retirée dans le domaine de ses pères. Malgré son air rustique, sir Hildebrand avait pourtant encore l’extérieur d’un homme bien né, et il paraissait au milieu de ses fils, comme les débris d’une colonne corinthienne souillée et couverte d’herbes et de mousse, qui contraste avec les masses de pierres brutes et informes de Stone-Henge ou de tout autre temple druidique ; car ses fils étaient bien les blocs les plus pesants et les plus grossiers que l’œil pût voir. Grands, vigoureux, bien faits, les cinq aînés paraissaient attendre une étincelle de ce feu que déroba Prométhée, de cette grâce extérieure, de ces manières qui, dans la société, tiennent souvent lieu d’esprit. Leur qualité morale la plus saillante semblait être la bonne humeur et le contentement qu’on lisait sur leurs grosses figures, et leur seule prétention était de perfectionner sans cesse leur adresse à la chasse. Le robuste Gyas et le robuste Cloanthe ne se ressemblent pas plus dans le poëme de Virgile, que les robustes Percival, Thorncliff, John, Dick et Wilfred Osbaldistone, ne se ressemblaient entre eux.

Mais, comme pour se dédommager d’une uniformité aussi extraordinaire dans ses productions, dame Nature avait voulu que Rashleigh Osbaldistone fît un contraste frappant pour la taille et les manières, ainsi que pour le caractère et les talents, comme je le remarquai plus tard, non seulement avec ses frères, mais encore avec tous les hommes que j’avais rencontrés jusqu’alors. Quand Percie, Thornie et compagnie eurent tour à tour incliné la tête, grimacé, et présenté leur épaule plutôt que leur main, à mesure que leur père me les nommait, Rashleigh s’avança, et me témoigna la joie de me voir au château d’Osbaldistone, avec l’air et le ton d’un homme du monde. Son extérieur n’était pas prévenant ; il était petit, tandis que tous ses frères paraissaient descendre du géant Anak ; ils étaient tous bien faits, et Rashleigh, quoique plein de vigueur, avait un cou de taureau, les jambes torses, et, par suite d’un accident qui lui était arrivé dans son enfance, une démarche si singulière, qu’il paraissait boiter réellement : plusieurs personnes prétendaient que c’était l’obstacle qui l’empêchait d’entrer dans les ordres, l’Église de Rome, comme on sait, ne conférant jamais le titre d’ecclésiastique à un homme dont le physique présente une telle difformité. D’autres cependant di-