Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/112

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Il y avait un mélange d’assurance, d’ironie et de simplicité dans la manière dont miss Vernon prononça ces mots. Ma connaissance du monde me permit aisément de prendre un ton pareil pour la remercier de sa complaisance, et lui témoigner mon extrême plaisir de les avoir rencontrés. À vrai dire, mon compliment était tourné de manière que la jeune dame pût facilement s’en adjuger la plus grande partie ; car Thorncliff avait l’air d’un grand rustaud, gauche, embarrassé, même un peu niais ; il me donna pourtant une poignée de main en annonçant qu’il allait me quitter pour aider le piqueur et ses frères à rassembler la meute, motif qu’il paraissait employer plutôt comme excuse auprès de miss Vernon qu’auprès de moi.

« Le voilà, » dit la jeune dame en le suivant avec des yeux où se peignait un profond dédain, « le voilà le prince des piqueurs, des maîtres en fait de combats de coqs, et des palefreniers. Mais ils ne valent pas mieux les uns que les autres. Avez-vous lu Markham ?

— Markham, mademoiselle ? Je ne me souviens pas d’avoir jamais entendu citer le nom de cet auteur.

— Malheureux ! sur quel rivage la tempête vous a jeté ! Pauvre ignorant, vous ne connaissez pas le saint Alcoran de la tribu sauvage au milieu de laquelle vous venez demeurer ! N’avoir pas lu Markham, le plus célèbre auteur qui ait jamais écrit sur l’art du maréchal ! Alors, j’en ai peur, vous ne connaissez pas davantage les noms plus modernes de Gibson et de Bartlett ?

— Vous dites vrai, miss Vernon.

— Et vous ne rougissez pas de l’avouer ? Ma foi, il nous faudra vous renier pour notre parent. Vous ne savez donc ni panser, ni guérir, ni saigner un cheval ?

— J’avoue que je laisse tous ces soins aux valets d’écurie ou au vétérinaire.

— Incroyable négligence ! Ainsi, vous ne pouvez ni ferrer un cheval, ni lui couper les crins ou la queue ! Du moins vous savez élever un chien, lui couper les oreilles, lui rogner les ongles ? dompter un faucon, le chaperonner, choisir la nourriture qui lui convient alors ? et…

— Pour avouer d’un seul mot toute mon ignorance, je suis absolument étranger à tous ces talents champêtres.

— Alors, au nom du ciel, monsieur Francis Osbaldistone, que savez-vous faire ?