Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/109

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le nord, vers mon pays natal. Enfin, délivré du babil de mon compagnon, je pouvais alors observer combien le pays était différent de celui que j’avais jusque-là parcouru. Les ruisseaux dignes de ce nom, au lieu de dormir bourbeux à travers des roseaux et des saules, couraient en bourdonnant sous des charmilles naturelles, tantôt descendant avec fracas d’une éminence, tantôt coulant plus lentement, mais sans jamais s’arrêter, à travers de charmants vallons qui s’ouvrent sur la route de distance en distance et semblent inviter le voyageur à s’y enfoncer. Les monts Cheviot s’élevaient devant moi dans leur solennelle majesté, non pas, il est vrai, avec cette admirable variété de rocs et de vallées qui caractérise les montagnes plus élevées ; mais leur masse immense, leurs sommets arrondis que couvrait une sombre verdure, leur aspect sauvage, leur vaste étendue, faisaient de cette solitude un tableau qui agissait fortement sur mon imagination.

Le château de mes pères, dont j’approchais alors, était situé au fond d’une vallée étroite au milieu de ces montagnes. Les vastes domaines qui appartenaient jadis à la famille d’Osbaldistone avaient été depuis long-temps aliénés par les malheurs ou l’inconduite de mes ancêtres ; mais les dépendances du vieux manoir étaient encore assez considérables pour que mon oncle pût être considéré comme un riche propriétaire. Il employait sa fortune, comme je le sus par des informations que je pris en route, à exercer, l’hospitalité prodigue d’un noble du nord à cette époque, ce qu’il regardait comme essentiel au soutien de la dignité d’une famille.

Du haut d’une éminence j’avais déjà aperçu de loin le château d’Osbaldistone, vaste et vieil édifice s’élançant d’un massif de grands chênes druidiques. Je me dirigeais de ce côté aussi directement et aussi vite que le permettaient les détours d’une route peu commode, quand mon cheval, tout fatigué qu’il était, dressa les oreilles aux aboiements vifs et répétés d’une meute de chiens animés de temps à autre par les fanfares d’un cor français, instrument alors indispensable dans les chasses. Je ne doutais pas que ce ne fût la meute de mon oncle, et je fis ranger mon cheval dans le dessein de laisser passer les chasseurs sans qu’ils m’aperçussent, persuadé qu’une partie de chasse n’était pas un moment favorable pour me présenter à un aussi déterminé chasseur que mon oncle, et résolu, quand ils seraient passés, de gagner au pas le château et d’y attendre son retour. Je m’arrêtai donc sur une éminence, et, malgré les pensées qui m’agitaient alors, cédant à