Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 9, 1838.djvu/104

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vaux ? C’est dans les guerres du nord que notre famille acquit toute sa gloire, éprouva tous ses malheurs.

Enflammé par ces récits, je regardai dès mon enfance la nation écossaise comme une race naturellement ennemie des habitants méridionaux de ce royaume, et mes préventions ne purent qu’augmenter par les discours que mon père tenait parfois sur ce sujet. Il s’était engagé dans une vaste spéculation relative à des bois de chêne avec des montagnards qui en étaient propriétaires, et prétendait les trouver toujours mieux disposés à conclure un marché et à exiger des arrhes considérables qu’exacts à remplir leurs engagements. Les négociants écossais qu’il était obligé d’employer comme intermédiaires dans ces occasions étaient aussi soupçonnés par lui de s’adjuger par mille moyens dans les bénéfices une part plus considérable que celle qui leur devait revenir. Bref, si Mabel se plaignait des guerriers écossais d’autrefois, M. Osbaldistone ne s’emportait pas moins contre les ruses de ces modernes Sinons ; de telle sorte que tous deux m’inspiraient sans le savoir une aversion sincère pour les habitants du sud de la Grande-Bretagne, sanguinaires en temps de guerre, perfides durant la paix, intéressés, égoïstes, avares, fourbes jusque dans les moindres affaires, dénués de toute bonne qualité, à moins qu’on ne donne ce nom à une férocité qui ressemblait à du courage dans les combats, et à une infâme adresse qui leur tenait lieu de prudence dans les relations ordinaires. Pour justifier, ou pour excuser du moins ceux qui m’élevaient dans ces préjugés, je dois dire qu’à cette époque les Écossais n’étaient pas moins injustes que les Anglais, qu’ils regardaient comme un peuple efféminé, fier de sa richesse. Tels étaient les germes de la haine nationale qui divisait naturellement les deux nations, germes d’où nous avons vu naguère le souffle d’un démagogue faire jaillir une flamme momentanée qui, je l’espère sincèrement, est aujourd’hui éteinte sous SOS propres cendres[1].

Ce fut donc avec une impression défavorable que je regardai le premier Écossais que je rencontrai. Presque toute sa personne justifiait mes préventions. Il avait, comme la plupart de ses compatriotes, des traits durs, une taille athlétique, l’accent national,

  1. Ce passage, qui semble, dit Walter Scott, avoir été écrit du temps de Wilkes, sous le règne de la liberté, se rapporte au milieu du XIX{(e}} siècle, où le lord ministre Bute avait occasionné un grand débordement de haines entre les Anglais et les Écossais. a. m.