Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/73

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mage comme à mon successeur dans la garde de ce château, voilà, ce me semble, une modeste demoiselle qui t’accompagnera bien volontiers, et te servira de guide. Seulement, par respect pour sa mère, sauvez les apparences par quelques légères formalités de mariage entre vous… vous n’avez besoin ni de dispense ni de prêtre dans cet heureux temps ; mais vous pouvez vous unir comme des mendiants dans un fossé, avec un buisson pour église et un chaudronnier pour prêtre. Je vous demande pardon de vous faire une requête si facile, si simple… car vous êtes peut-être un Ranter… ou vous appartenez à la famille d’amour, et devez par conséquent trouver les cérémonies nuptiales inutiles, comme Kuipperdoling, ou Jacques de Leyde. — Pour l’amour de Dieu ! cessez ces terribles plaisanteries, mon père ; et vous, Markham, partez, je vous en conjure, et abandonnez-nous à notre destin… votre présence fait extravaguer mon père. — Plaisanter ! s’écria sir Henri, je ne fus jamais plus sérieux… Extravaguer ! je ne fus jamais plus calme… Je n’ai jamais pu souffrir que la fausseté s’approchât de moi… Je ne laisserai pas une fille déshonorée plus long-temps à mon côté qu’une épée qui le serait aussi ; et ce malheureux jour m’a fait voir clairement que l’une et l’autre pouvaient faillir. — Sir Henri, dit le jeune Éverard, ne chargez pas votre âme d’un crime aussi noir, en traitant votre fille aussi injustement. Il y a long-temps que vous m’avez refusé sa main quand j’étais pauvre et vous puissant. J’ai obéi à votre arrêt qui me défendait tout propos galant, toute entrevue. Dieu sait si j’ai souffert ! mais enfin j’ai obéi. Ce n’est pas pour les renouer que je suis venu ici, et que j’ai cherché, je le confesse, à lui parler… ce n’est pas pour elle seule, mais pour vous aussi. La destruction plane au dessus de vous, prête à fermer ses ailes pour se précipiter, à ouvrir ses griffes pour vous saisir… Ainsi, monsieur, ayez l’air aussi dédaigneux qu’il vous plaira, voilà le fait néanmoins, et c’est pour vous protéger tous deux que je me trouve ici. — Vous refusez donc l’offre gratuite que je vous ai faite ? dit sir Henri Lee ; ou peut-être trouvez-vous les conditions trop dures ? — Honte, honte à vous, sir Henri ! » s’écria Éverard s’échauffant à son tour ; « vos préjugés politiques ont-ils si complétement effacé vos sentiments de père que vous ne puissiez parler qu’avec une ironie mordante, avec un mépris piquant de l’honneur de votre propre fille ? Levez la tête, belle Alice, et ne craignez pas de dire à votre père que le fanatisme de sa loyauté lui fait mettre de côté les devoirs de la nature ! Sachez, sir Henri, que,