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seurs en peinture. L’indépendant le considéra, et un léger sourire fit disparaître un instant les rides de son front. Souriait-il de plaisir en voyant le fier et vieux chevalier occupé à profaner une maison religieuse, occupation tout à fait conforme aux usages de sa propre secte, ou de mépris pour le talent dur et sec du vieux peintre…. ou la vue de ce remarquable portrait lui rappelait-elle quelque autre idée ? c’est ce que le garde forestier ne pouvait décider.

Ce sourire ne dura qu’un instant pendant que le soldat s’approchait des fenêtres en saillie. Les embrasures s’avançaient à un ou deux pieds de la muraille : dans l’une était un pupitre en noyer et un grand fauteuil rembourré, recouvert d’un cuir d’Espagne ; une petite armoire était auprès, et quelques tiroirs et tablettes qui étaient tirés laissaient voir des sonnettes à faucons, des sifflets à chiens, des instruments pour nettoyer les plumes des oiseaux de chasse, des mors de différentes espèces, et d’autres ustensiles de chasse.

L’autre embrasure était différemment meublée : on y voyait sur une petite table des ouvrages d’aiguille, un luth, un cahier noté où étaient quelques airs, et un métier à broder. Une tapisserie décorait les murailles de ce petit enfoncement avec plus de recherche qu’on n’en pouvait remarquer dans le reste de l’appartement, et quelques fleurs, les seules que donnât la saison, montraient aussi que le goût d’une femme y avait présidé.

Tomkins jeta un regard d’indifférence sur ces objets d’occupations féminines, puis s’approcha davantage de la croisée, et se mit à tourner les feuillets d’un grand in-folio qui était ouvert sur le pupitre et qui parut l’intéresser. Jocelin, qui avait résolu d’examiner ses mouvements sans le gêner, se tenait à quelque distance dans un silence profond, lorsqu’une porte pratiquée derrière la tapisserie s’ouvrit tout-à-coup, et une jolie paysanne, une serviette à la main, entra en sautillant, comme si elle avait eu à remplir quelque fonction domestique.

« Comment donc, sir Impudence ? » dit-elle à Jocelin d’un air jovial ; « pourquoi rôder dans les appartements lorsque le maître n’y est pas ? »

Mais au lieu de la réponse qu’elle attendait sans doute, Jocelin Joliffe jeta un triste regard sur le soldat qui était dans l’embrasure de la fenêtre, comme pour rendre plus intelligible ce qu’il allait dire, et répondit d’un air consterné et à voix basse : « Hélas ! ma jolie