Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/471

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personnes de tous les rangs et de toutes les classes s’étaient postées pour le féliciter avant qu’il entrât dans sa capitale.

Il y avait là un groupe qui attirait une attention toute particulière, à cause du respect que lui témoignaient les soldats qui formaient la tête du cortège : Cavaliers ou Têtes-rondes, ils semblaient se disputer à qui serait le plus agréable à ceux qui le composaient ; et parmi eux se trouvaient deux gentilshommes, l’un jeune et l’autre vieux, qui avaient joué un rôle dans les guerres civiles.

La principale figure de ce groupe, dont les membres paraissaient appartenir à la même famille, était un vieillard assis : sa figure était animée par un sourire de satisfaction ; des larmes s’échappaient de ses yeux lorsqu’il voyait flotter dans les airs les nombreuses bannières, et qu’il entendait retentir ce cri si long-temps proscrit : « Dieu sauve le roi Charles ! » Ses joues étaient pâles comme la cendre, et sa longue barbe blanche comme le duvet du chardon. Ses yeux bleus étaient encore vifs, mais il était évident qu’il ne pouvait distinguer que confusément les objets. Ses mouvements étaient faible ; il parlait fort peu, si ce n’est pour répondre au babil de ses petits enfants, ou faire une question, soit à sa fille assise à côté de lui, et qui était d’une beauté remarquable, soit au colonel Éverard qui se tenait derrière lui. Le brave forestier, Jocelin Joliffe, dans son costume de garde, s’appuyait, comme un autre Benaiah, sur le gourdin qui jadis avait rendu grand service au roi ; sa femme, matrone d’aussi bonne mine qu’elle avait été jolie fille, souriait de son importance personnelle, et de temps à autre joignait sa voix perçante aux cris de Stentor par lesquels son mari contribuait pour sa part aux acclamations générales.

Trois beaux garçons et deux jolies filles babillaient aux pieds de leur grand-père, qui leur faisait des réponses proportionnées à leur âge, et passait à chaque instant sa main flétrie sur les beaux cheveux de ces charmantes créatures. Alice, assisté de Wildrake (magnifiquement vêtu alors, et le regard animé par un seul verre de vin des Canaries), détournait de temps en temps l’attention des enfants, afin qu’ils n’importunassent pas trop leur grand’père. Nous ne devons pas oublier un autre personnage remarquable qui figurait dans ce groupe… un chien d’une taille gigantesque, qui paraissait au dernier terme de l’existence canine, étant âgé peut-être de quinze ou seize ans. Quoiqu’il n’offrît au regard que les débris de son ancienne beauté, que ses yeux fussent obscurcis, ses membre roides, sa tête inclinée, et que son port élégant, ses mouvements