Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/47

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soldat, il tourna autour de lui, le sentit à plusieurs reprises, comme s’il eût mis en jeu toute sa sagacité pour découvrir qui était cet étranger que, malgré son apparence si suspecte, on lui enjoignait d’épargner. Il fut probablement satisfait, car il laissa ses démonstrations soupçonneuses et menaçantes, baissa les oreilles, rabattit son poil, et remua la queue.

Sir Henri, qui avait un grand respect pour la sagacité de son favori, dit bas à Alice : « Bévis est de ton avis ; il conseille la soumission : c’est indubitablement la volonté de Dieu, qui punit l’orgueil, qui fut toujours le défaut de notre maison… Ami, » continua-t-il en s’adressant au soldat, « tu viens de rendre complète une leçon que dix années d’infortunes continuelles n’avaient encore pu me donner. Tu m’as clairement démontré la folie qu’il y a de croire qu’une bonne cause peut donner de la force à un faible bras. Que Dieu me le pardonne ! mais il vaudrait mieux devenir infidèle, et penser que les bénédictions du ciel sont toujours pour les plus longues épées. Mais il n’en sera pas toujours ainsi : Dieu connaît son temps… Ramasse-moi mon Tolédo, Jocelin, il est là par terre ; quant au fourreau, cherche-le, il est accroché à une branche… Ne tirez pas mon manteau, Alice, n’ayez pas l’air si épouvantée ; désormais je ne serai plus aussi prompt à tirer l’épée, je te le promets… Quant à toi, bon drôle, je te remercie, et ferai place à tes maîtres sans plus de disputes ou de cérémonie. Jocelin Joliffe, qui approche plus de ton rang que moi, te livrera la Loge et tout le mobilier. Ne prends note de rien, Joliffe… remets-leur tout. Pour moi, je n’en repasserai jamais le seuil… Mais où passer la nuit ? Je ne voudrais gêner personne à Woodstock… Hein… oui… c’est cela. Alice et moi, Jocelin, nous allons nous rendre à ta hutte, près la fontaine de Rosemonde ; nous te demanderons l’hospitalité pour une nuit ; nous serons les bienvenus, n’est-ce pas ?… Comment donc ?… un front sourcilleux ? »

À coup sûr, Jocelin avait l’air embarrassé ; jetant d’abord un regard sur Alice, puis fixant le ciel et rabaissant les yeux vers la terre, il les tourna vers les quatre points de l’horizon, et murmura enfin : « Certainement… sans doute… mais je voudrais auparavant y courir pour mettre la maison en ordre. — Elle sera assez en ordre pour des gens qui bientôt, peut-être, seront forcés de se contenter de paille fraîche dans un grenier, dit le chevalier ; mais s’il te répugne de loger des personnes suspectes et malveillantes, comme on dit, n’aie pas honte de le dire, brave homme. Il est