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mations, n’avaient pas été heureux. Il avait renversé de la fenêtre, comme nous l’avons dit, le gigantesque caporal qui y était placé en faction et avait sauté aussitôt dans la chambre de Rochecliffe ; mais les soldats qui y étaient se jetèrent sur lui, et après une lutte dont l’avantage du nombre assurait l’issue, le jeune homme fut renversé entraînant sur lui deux soldats. Au même moment un bruit violent se fit entendre, et retentissant comme un coup de tonnerre, ébranla tout autour d’eux, au point que la solide et forte tour où ils se trouvaient trembla comme le mât d’un vaisseau qui va s’abattre ; il fut suivi d’un nouveau bruit, d’abord sourd, mais augmentant comme le mugissement d’une cataracte dans sa chute, et paraissant vouloir assourdir le ciel et la terre. Le fracas produit par la tour en s’écroulant fut en effet si imposant que le prisonnier et ceux qui luttaient contre lui restèrent un instant immobiles sans se lâcher.

Albert fut le premier qui revint à lui et retrouva ses forces. Il se débarrassa de ceux qui l’avaient terrassé, et faisant un effort désespéré, il parvint presque à se relever. Mais ayant affaire à des gens accoutumés à toute espèce de dangers, et qui avaient repris leur énergie presque aussitôt que lui, il fut bientôt subjugué, et les soldats lui saisirent les bras. Toujours loyal et fidèle, et décidé à soutenir jusqu’au dernier moment le rôle dont il s’était chargé, il s’écria, en voyant que tous ses efforts étaient désormais inutiles : Rebelles, voulez-vous tuer votre roi ? — Entendez-vous cela ? cria un des soldats au caporal en second qui les commandait. Ne faut-il pas frapper sous la cinquième côte ce fils d’un père corrompu, comme le tyran de Moab fut frappé par Aod avec un poignard long d’une coudée ? »

Mais Robins répondit : « Gardons-nous bien, Strickalthrow-le-Miséricordieux, de tuer de sang-froid le captif de notre arc et de notre épieu. Il me semble que depuis l’assaut de Tredagh[1], nous avons répandu assez de sang. Ainsi, sur votre vie, ne lui faites point de mal ; mais désarmez-le, et conduisons-le devant notre général, qui fera de lui ce qu’il jugera convenable. »

Pendant ce temps, le soldat que sa joie avait porté à annoncer le premier cette nouvelle à Cromwell du haut de la plate-forme, en descendit, et apporta à ses camarades des ordres conformes à ceux qu’avait donnés le caporal provisoire. En conséquence Albert Lee, désarmé et garrotté, fut conduit comme prisonnier dans la cham-

  1. Tredagh ou Drogheda fut pris d’assaut par Cromwell en 1649, et le gouverneur, avec toute la garnison, fut passé au fil de l’épée. a. m.