Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/443

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Son attente fut trompée. Pearson et les autres revinrent désappointés, et rapportèrent qu’ils avaient été arrêtés par une porte en barres de fer qui fermait le petit escalier ; et ils avaient vu un obstacle du même genre dix pieds au dessus. Tenter de forcer ces grilles quand un homme désespéré et bien armé avait sur eux l’avantage de la position, c’était exposer beaucoup de monde. « Nous devons les épargner, dit le général. Que me conseilles-tu, Pearson ? — Il faut avoir recours à la poudre, milord, » répondit Pearson, qui vit son maître déterminé à lui laisser tout le mérite de l’affaire. « On peut aisément établir une chambre convenable au pied de la tour. Nous avons par bonheur une saucisse pour faire la traînée, et… — Ah ! dit Cromwell, je sais que tu t’y entends fort bien. Je vais aller visiter les postes et leur ordonner de se mettre à l’abri quand la retraite sonnera. Tu leur laisseras pour cela cinq minutes. — Trois doivent leur suffire, répondit Pearson, et il faudrait qu’ils fussent boiteux s’il leur en fallait davantage. Je n’en demande qu’une, moi qui mettrai le feu. — Aie soin qu’on écoute ce malheureux, s’il demande quartier ; il peut se repentir de sa dureté de cœur et demander merci. — On lui accordera merci, répondit Pearson, pourvu qu’il le demande assez haut pour que je l’entende ; car l’explosion de ce maudit pétard m’a rendu sourd comme la femme du diable. — Chut ! Gilbert, chut ! vos paroles ne sont pas trop convenables. — Morbleu ! milord, il faut que je parle à votre manière ou à la mienne, à moins que je ne doive rester aussi muet que je suis sourd ? Allez faire votre visite des postes, et vous entendrez bientôt parler de moi. »

Cromwell sourit de la vivacité de son aide-de-camp, lui frappa sur l’épaule, l’appela étourdi, fit quelques pas, revint, et lui dit à voix basse : « Quoique tu fasses, agis promptement. » Alors il s’avança vers la ligne extérieure des sentinelles, tournant de temps en temps la tête, comme pour s’assurer si le caporal qu’il avait posté sous la fenêtre faisait bonne garde sur l’abîme effrayant qui sépare la tour de Rosemonde de la tour voisine. Le voyant à son poste, le général murmura entre ses moustaches : « Le drôle a le courage et la force d’un ours, et il est à un poste où il est plus facile à un homme de se défendre qu’à cent de l’attaquer. » Il jeta un dernier regard sur la gigantesque figure qui se tenait dans cette position aérienne, comme une statue gothique, l’arme à demi dirigée vers la tour opposée, et appuyée contre son pied droit, son casque d’acier et sa cuirasse polie brillant aux rayons du soleil levant.