Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/430

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« Que peuvent-ils faire maintenant, monsieur ? » dit Phœbé en entendant un bruit semblable à celui d’une vrille de charpentier, mêlé à plusieurs voix d’hommes.

« Il mettent un pétard, » dit le chevalier avec le plus grand calme. « Je te connais pour une fille intelligente, Phœbé, et je vais t’expliquer cela : c’est un pot de métal, de même forme, à peu près, que les chapeaux en pain de sucre de ces coquins, si les bords étaient plus étroits. Il est rempli de quelques livres de poudre à canon. Puis… — Ciel ! nous allons sauter tous ! » s’écria Phœbé, qui ne s’était appesantie que sur le mot de poudre à canon dans toute cette description.

« Point du tout, folle que tu es ; conduis la vieille Jellycot dans l’embrasure de cette croisée, nous nous mettrons dans celle-ci, et j’aurai le temps de t’achever mon explication, car les ingénieurs ne me paraissent pas très habiles. Nous avions un Français à Newark qui aurait fait l’affaire aussi vite qu’on tire un pistolet. » Elles avaient à peine gagné la place de sûreté, que le chevalier continua son explication : « Le pétard étant formé, comme je viens de te le dire, est assujetti dans une planche forte et épaisse, appelée madrier, qu’on suspend ou plutôt qu’on attache à la porte qu’on veut forcer. Mais tu ne m’écoutes pas. — Serait-ce possible, sir Henri, quand nous pouvons être atteints par cette machine que vous décrivez. Oh, mon Dieu ! j’en deviendrai folle de peur. Nous serons écrasés ; nous allons sauter dans quelques minutes. — Nous n’avons rien à craindre de l’explosion, » répondit le chevalier gravement ; « elle agira principalement en ligne directe vers le milieu de la chambre, et cette profonde embrasure nous garantit assez de quelques fragments qui pourraient être lancés latéralement. — Mais ils nous tueront, quand ils seront entrés. — Ils te feront quartier, Phœbé. Et si je n’envoie pas une couple de balles à ce coquin d’ingénieur, c’est pour ne point m’exposer à la peine prononcée par la loi martiale, qui condamne à être passée au fil de l’épée toute personne qui défend un poste non tenable. Je ne pense pas toutefois que la rigueur de la loi puisse vous atteindre, toi et la dame Jellycot, puisque vous ne portez pas d’armes. Si Alice eût été ici, elle eût pu nous être utile, car elle sait manier un fusil. »

Phœbé aurait pu alléguer ses exploits comme ayant plus de rapport aux batailles que tout ce que la jeune mistress pouvait avoir jamais fait ; mais elle était tellement effrayée de ce que lui avait dit le chevalier sur le pétard, qu’elle attendait quelque terrible cata-