Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/414

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nais trop bien le parc et le désert pour craindre de perdre ma route au milieu des chênes de Woodstock qui m’ont vu naître. — Votre Majesté ne courra pas de danger, » dit Alice, dont l’hésitation momentanée avait été dissipée entièrement par le ton calme, naturel et candide avec lequel le roi avait prononcé ces dernières paroles. « Vous ne courrez aucun péril que je ne puisse prévenir, et les tristes circonstances des temps où j’ai vécu m’ont rendue capable de trouver mon chemin dans la forêt la nuit comme le jour. Et si vous ne dédaignez pas de marcher en ma compagnie, partons à l’instant. — Si c’est de votre plein gré, je l’accepte avec reconnaissance, répliqua le monarque. — Volontairement, reprit-elle ; très volontairement. Que je sois une des premières à montrer ce zèle et cette confiance qu’un jour, j’en suis sûre, toute l’Angleterre montrera à l’envi, en faveur de Votre Majesté. »

Elle prononça ces paroles avec tant de vivacité et de détermination, fit à sa toilette les changements nécessaires avec tant de promptitude et de dextérité, qu’il était évident que toutes ses craintes paraissaient dissipées, et qu’elle entreprenait de grand cœur la mission dont son père l’avait chargée.

« Tout est tranquille dans les environs, » dit Albert Lee en rentrant ; « vous prendrez le chemin qu’il vous plaira ; le plus sombre sera le meilleur. »

Charles, avant de partir, s’avança gracieusement vers sir Henri, et lui prenant la main : « Je suis trop fier, lui dit-il, pour faire des promesses que la pauvreté pourrait m’empêcher de tenir ; mais tant que Charles Stuart vivra, il se croira l’obligé et le débiteur de sir Henri Lee. — Ne parlez pas ainsi, sire, ne parlez pas ainsi, » s’écria le vieillard d’une voix entrecoupée par les sanglots ; « celui qui peut réclamer le tout ne doit rien pour en avoir accepté une partie. — Adieu, généreux ami, adieu ! regardez-moi comme un fils, comme un frère d’Albert et d’Alice ; mais je les vois tous deux qui s’impatientent, donnez-moi la bénédiction d’un père, et je vous quitte. — Que Dieu par qui régnent les rois bénisse Votre Majesté ! » dit sir Henri fléchissant le genou, et levant vers le ciel sa figure vénérable ; puis, joignant les mains : « Que le Dieu des armées vous bénisse et sauve Votre Majesté des dangers qui la menacent, et qu’il vous rétablisse dans la paisible possession du trône qui vous appartient ! »

Charles reçut cette bénédiction comme celle d’un père, et sortit aussitôt accompagné d’Alice.