Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/373

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le regardait comme un aventurier dont le manteau était doublé et bordé de deux couleurs différentes, et il pensait que l’appât d’une forte récompense, ainsi que le pardon de certaines peccadilles d’autrefois, pourraient l’engager à retourner encore une fois son habit. Toutes ces considérations étaient plus que suffisantes pour que Jocelin épiât attentivement toutes les démarches de Fidèle Tomkins.

Nous avons dit que le discret sénéchal était toujours bien accueilli à Woodstock, soit à la Loge, soit dans le village, et que Jocelin Joliffe prenait soin de déguiser, sous les démonstrations de l’hospitalité la plus cordiale, les soupçons dont il ne pouvait se défaire. Mais deux individus, pour des raisons bien différentes, conservaient une aversion personnelle contre un homme si généralement bien accueilli.

Le premier était Néhémiah Holdenough, qui ne pouvait lui pardonner la manière brutale dont il l’avait chassé de sa chaire, et qui en particulier parlait de lui comme d’un missionnaire de mensonge en qui Satan avait placé un esprit séducteur ; et en outre il avait prêché un sermon solennel sur les faux prophètes de la bouche desquels, disait-il, il sortait des grenouilles. Le discours eut le plus grand succès auprès du maire et d’autres personnes de distinction, qui trouvèrent que leur ministre avait porté un coup mortel sur la racine même de l’indépendantisme. D’un autre côté, ceux de ce dernier parti soutenaient que Joseph Tomkins avait fait une réplique irrésistible et triomphante, le soir du même jour, dans une exhortation où il avait démontré à un grand nombre d’artisans que le passage de Jérémie : « Les prophètes prophétisent faussement, et les prêtres gouvernent par leur moyen, » était entièrement applicable au système presbytérien, en ce qui concernait le gouvernement de l’Église. Le ministre adressa une relation de la conduite de son adversaire au révérend maître Édward, pour qu’il le signalât, dans la prochaine édition de la Gangrène, comme un hérétique pestilentiel. Tomkins, de son côté, recommanda le théologien à son maître Desborough, comme un homme à qui on pouvait imposer une bonne amende pour avoir persécuté la secte des indépendants, l’assurant en même temps que bien que le ministre parût pauvre, cependant si l’on laissait loger quelques soldats chez lui jusqu’à ce que l’amende fût intégralement acquittée, les femmes de tous les riches boutiquiers du village voleraient leurs maris pour qu’on leur rendît leur Mammon d’iniquité et pour tirer leur pasteur de souf-