Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/372

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enjoignait même de se conformer extérieurement à toutes les sectes ou doctrines religieuses qui pouvaient être les plus influentes.

Aussi Tomkins avait-il toujours su se faire passer aux yeux du docteur Rochecliffe pour un zélé membre de l’Église d’Angleterre, et en servant sous les bannières de l’ennemi, comme un espion dans son camp ; et parce qu’en différentes circonstances il avait donné au docteur des renseignements véridiques et utiles, cet actif intrigant croyait sans peine ses protestations. Néanmoins, de peur que la présence accidentelle de cet homme à la Loge, dont il était peut-être impossible de lui fermer la porte sans exciter de soupçon, ne mît en danger la personne du roi, Rochecliffe, malgré toute sa confiance en Tomkins, avait recommandé au roi de faire son possible pour se soustraire à ses regards ; et si par hasard il en était aperçu, de se comporter comme devait le faire Louis Kerneguy : Joseph Tomkins, disait-il, et il le croyait fermement, était l’honnête Joë ; mais l’honnêteté est un cheval à qui l’on donne quelquefois un trop lourd fardeau à porter, et d’ailleurs pourquoi chercher à tenter son voisin ?

Il semblait que Tomkins se fût résigné aux bornes que l’on mettait à la confiance qu’on lui témoignait, ou qu’il voulût paraître plus aveugle qu’il ne l’était réellement sur la présence de cet étranger dans la famille. Jocelin, qui ne manquait pas de pénétration, avait remarqué qu’une ou deux fois Tomkins ayant, par un hasard inévitable, rencontré Kerneguy, avait fait moins d’attention à lui qu’on ne devait s’y attendre, d’après le caractère de Tomkins, homme de son naturel observateur et curieux. « Il ne m’a pas questionné sur ce jeune étranger, dit Jocelin ; fasse le ciel qu’il ne sache pas qui il est, ou même qu’il ne le soupçonne pas ! » Mais ces craintes furent dissipées quand, causant ensemble peu de temps après, Tomkins parla de l’embarquement du roi à Bristol, comme d’une chose indubitable ; nomma le vaisseau sur lequel il était parti ; le capitaine qui le commandait. Ses manières le faisaient croire si bien convaincu de la vérité de ces nouvelles, que Jocelin jugea impossible qu’il eût le moindre soupçon de la réalité.

Malgré cette persuasion et la bonne intelligence qui s’était établie entre eux, le fidèle garde-chasse résolut de veiller de près sur son ami Tomkins, et de donner l’alarme si l’occasion l’exigeait. Au fait, il croyait pouvoir considérer son dit ami, malgré son ivrognerie et son fanatisme, comme un homme honnête et loyal, et était sous ce rapport de l’avis du docteur Rochecliffe ; mais après tout, il