Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/366

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cliffe le lui apprit dans la suite pour son édification, lui promettant, selon sa coutume, de lui expliquer le sens littéral de ces paroles, si elle voulait le lui rappeler… Virtus rectorem ducemque desiderat ; vitia sine magistro discimtur[1].

Mais ce n’était pas le moment de se livrer à de pareilles réflexions. Convaincus de leur mutuelle sincérité par une sorte de communication intellectuelle au moyen de laquelle deux individus, dans des circonstances délicates, s’entendent mieux qu’avec le secours de la parole, Alice et le roi semblaient avoir renoncé à toute réserve et à toute dissimulation. Avec la galanterie d’un homme bien élevé, et en même temps avec la condescendance d’un prince, il la pria, fatiguée comme elle le devait être, d’accepter son bras, au lieu de celui du docteur Rochecliffe, pour retourner à la Loge ; et Alice accepta cette offre avec une humble modestie, mais sans la moindre apparence de défiance ou de crainte. Il semblait que la dernière demi-heure les avait parfaitement éclairés l’un sur le caractère de l’autre, et que chacun d’eux était entièrement convaincu de la pureté et de la sincérité de leurs intentions.

Le docteur Rochecliffe les suivait à quelques pas de distance, car moins leste et moins agile qu’Alice qui, d’ailleurs, s’appuyait sur le bras du roi, il ne pouvait, sans peine et sans fatigue, suivre Charles qui, ainsi que nous l’avons fait remarquer précédemment, passait alors pour l’un des meilleurs marcheurs de l’Angleterre, et qui, selon la coutume des grands, oubliait quelquefois que les autres n’étaient pas doués de la même activité. — Chère Alice, » dit le roi, mais comme si cette épithète n’était que fraternelle, « j’aime beaucoup votre Éverard : je souhaiterais sincèrement qu’il fût des nôtres… mais puisque cela est impossible, je suis sûr que nous aurons en lui un ennemi généreux. — Sire, » dit Alice d’un ton modeste, mais assez ferme, « mon cousin ne sera jamais l’ennemi personnel de Votre Majesté ; il est du petit nombre de ces hommes à la parole desquels vous pouvez vous fier plus qu’au serment de ceux qui font les protestations les plus fortes et les plus pressantes. Il est absolument incapable d’abuser de la confiance volontaire et

  1. Ce docte et illustre érudit n’épargnait pas les citations ; mais souvent il ne prenait pas la peine de les expliquer, par suite de son mépris pour ceux qui n’entendaient pas les langues mortes, et parce qu’il n’aimait pas se donner l’ennui de traduire pour la commodité des dames et des gentilshommes campagnards. Pour que nos lectrices et lesdits gentilshommes ne se dépitent pas trop en cette occasion de leur ignorance, nous leur apprendrons ce que signifie le passage latin : « La vertu a besoin de maîtres et d’exemples, les vices s’apprennent d’eux-mêmes. » a. m.