Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/361

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

loignait lentement, et au moment où le colonel se retournait, il lui dit d’un air d’autorité qu’il savait bien prendre à plaisir : « Un seul mot, monsieur, — Volontiers, monsieur ; » et pensant naturellement que l’intention de son antagoniste était hostile, il porta la main gauche à sa rapière, et mit la droite sur la poignée, croyant avec plaisir qu’ils allaient continuer leur duel, car la colère tient au moins d’aussi près au désappointement que la pitié à l’amour.

" Allons donc ! répondit le roi ; c’est impossible, maintenant. Colonel Éverard, je suis Charles Stuart ! »

Éverard recula de surprise, et s’écria aussitôt : « Impossible…. ce ne peut être !… Le roi d’Écosse s’est échappé de Bristol ; milord Wilmot, vos talents pour l’intrigue sont bien connus… mais vous ne m’en ferez pas accroire. — Le roi d’Écosse, maître Éverard… puisqu’il vous plaît de limiter ainsi sa souveraineté ; en tout cas, le fils aîné du dernier souverain de la Grande-Bretagne est à cette heure devant vous ; ainsi, il est impossible qu’il se soit échappé de Bristol. Le docteur Rochecliffe sera mon garant, et vous dira d’ailleurs que Wilmot a le teint blanc et les cheveux blonds… tandis que moi, comme vous le pouvez voir, je suis noir comme un corbeau. »

Rochecliffe, s’apercevant de ce qui s’était passé, abandonna Alice aux soins de Wildrake, dont l’extrême délicatesse qu’il employa pour la rappeler à la vie formait un aimable contraste avec sa brusquerie ordinaire ; il s’occupait si exclusivement qu’il ne chercha pas à connaître un aveu qui l’aurait si vivement intéressé. Quant au docteur Rochecliffe, il s’élança de leur côté, se tordant les mains et d’un air excessivement inquiet, et en poussant de ces exclamations qui échappent ordinairement en pareil cas.

« Paix, docteur Rochecliffe, » dit le roi avec un calme parfait, tel qu’il convient à un prince : « nous avons affaire, j’en suis sûr, à un homme d’honneur. Maître Éverard doit être satisfait de rencontrer seulement un prince fugitif dans l’individu où il croyait trouver un rival heureux. Il ne peut douter des sentiments qui m’ont empêché de tirer avantage du manteau que la sincère loyauté de cette jeune fille étendait sur moi au risque de mon propre bonheur. C’est lui qui profitera de ma franchise, et certainement j’ai droit d’attendre que ma position, déjà assez critique, ne deviendra point pire pour avoir été forcé de lui en dévoiler le secret dans une pareille circonstance. En tout cas, l’aveu est fait ; et c’est au colonel Éverard à penser maintenant comment il se doit conduire. — Oh ! Votre Ma-