Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/349

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« Puis-je vous demander qui vous a donné ces précieux renseignements ? — Vous le pouvez indubitablement, » répondit-il en reprenant son air de supériorité ; « mais il s’agit de savoir maintenant si je vous répondrai ou non. Je ne vois pas que votre réputation ou la mienne soit intéressée à ce que vous le sachiez. J’ai mes secrets ainsi que vous, mademoiselle ; et quelques uns des miens sont, j’imagine, plus intéressants que les vôtres. — Soit, » dit Alice tranquillement. « Si vous voulez bien m’attendre au désert à cinq heures et demie précises, nous irons ensemble demain matin, et nous les guetterons venir au rendez-vous. Je tâcherai en route de bannir ma timidité habituelle, et je vous communiquerai les moyens que je songe employer pour prévenir un malheur. Peut-être vous croirez-vous obligé à faire quelque effort pour rendre entièrement inutile mon intervention, déjà inconvenante et même pénible. — Oh ! mon enfant, puisque vous voulez bien vous abandonner à moi, vous seriez la première qui auriez à vous plaindre d’avoir été mal dirigée, et vous devez penser que vous êtes la dernière… (à une seule exception près…) que je voudrais voir perdre faute de conseil. À cinq heures et demie donc, au cadran du désert, et que Dieu bénisse notre entreprise ! »

Leur entretien fut interrompu en cet endroit par la voix sonore de sir Henri Lee, qui faisait retentir les galeries et les corridors des cris : « Fille Alice !… docteur Rochecliffe ! »

« Que faites-vous ici, » demanda-t-il en entrant, « assis comme deux corneilles dans un nid, quand nous avons en bas un si agréable divertissement ? C’est ce drôle, ce jeune fou de Louis Kerneguy qui tantôt me fait rire à m’en briser les côtes, et tantôt pince de la guitare assez harmonieusement pour attirer une alouette du haut des airs… Allons, venez, venez, car il est ennuyeux de rire tout seul. »


CHAPITRE XXVIII.

LE ROI.


C’est la place, le centre des bosquets ; voici le chêne, monarque de la forêt.
John Horne.


Le soleil s’était levé sur les rameaux touffus de la forêt, mais sans que ses rayons pussent pénétrer au milieu de cette verdure ; les feuilles pendaient riches de grosses gouttes de rosée, et commençaient, sur quelques arbres, à montrer les nuances variées de l’au-