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CHAPITRE II.

DÉPOSSESSION.


Avance, vieillard, c’est maintenant à côté de ta fille que tu dois te placer : quand le temps a dompté l’orgueil superbe du chêne, le jeune rejeton peut encore soutenir les restes de l’arbre paternel.
Anonyme.


Quand le sermon fut fini, le prédicateur militaire s’essuya le front ; car, malgré le froid du temps, la véhémence de son discours et de ses gestes l’avait mis en nage. Il descendit alors de la chaire et dit quelques mots au caporal qui commandait le détachement ; celui-ci, répondant d’un air grave par un signe d’intelligence, rassembla ses hommes et les conduisit en bon ordre à leur quartier dans la ville.

Le prédicateur lui-même, comme s’il venait de commettre une action fort ordinaire, sortit de l’église et se promena dans les rues de Woodstock, comme un étranger qui voulait visiter la ville, sans paraître observer qu’il était aussi de son côté le but de la surveillance inquiète des habitants, dont les regards furtifs mais fréquents paraissaient le considérer comme un homme suspect et dangereux si on venait à le provoquer. Il n’y faisait nulle attention, et marchait avec cet air affecté que prenaient les fameux fanatiques de ce temps-là ; un pas compté et solennel, un œil sévère et en même temps scrutateur, comme celui d’un homme irrité des distractions que lui causent les futilités de ce monde, l’obligeant par leur présence à détacher pour un moment ses pensées des choses célestes. Ils redoutaient et méprisaient les plaisirs innocents de quelque genre qu’ils fussent, ils avaient en horreur une innocente gaîté. C’était pourtant une disposition d’esprit qui formait des hommes à de grandes et courageuses actions, puisque l’égoïsme, bien loin de les pousser à satisfaire leurs passions, n’entrait pour rien dans leur conduite. Quelques uns de ces enthousiastes, hypocrites sans doute, se servaient du manteau de la religion seulement pour couvrir leur ambition ; mais presque tous avaient un caractère vraiment religieux, et les vertus sévères du républicanisme. Le plus grand nombre, placés entre ces deux extrêmes, ressentaient jusqu’à un certain point le pouvoir de la religion, mais se conformaient à l’époque en montrant un zèle outré.