Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 8, 1838.djvu/334

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d’autres lois qui mettraient de telles liaisons à l’abri de tout scandale. Il est un mode de mariage qui, en observant toutes les cérémonies de l’Église, ne laisse aucun reproche à la conscience ; et pourtant, n’investissant l’épouse d’aucun des privilèges propres à la condition de son époux, il ne viole pas les devoirs qu’un roi doit remplir à l’égard de ses sujets. Ainsi Alice Lee peut, sous tous les rapports, devenir la femme réelle et légitime de Charles Stuart, en y mettant pour condition que leur union privée ne lui donnera aucun droit au titre de reine d’Angleterre. — Mon ambition, dit Alice, sera suffisamment satisfaite en voyant Charles roi, sans que je puisse partager ou sa dignité en public, ou sa magnificence et son luxe en particulier. — Je vous comprends, Alice, répliqua le roi piqué, mais non mécontent ; vous me raillez, parce que, fugitif, je parle en roi. C’est une habitude, je l’avoue, que j’ai prise, et dont mes malheurs mêmes n’ont pu me guérir. Mais ma situation n’est pas si désespérée que vous le pourriez croire. Mes amis sont encore nombreux dans ces royaumes, mes alliés du continent sont tenus, pour défendre leurs propres intérêts, d’épouser ma cause. Des espérances me sont données par l’Espagne, la France et d’autres nations, et j’ai la confiance que le sang de mon père n’aura pas été versé en vain, et qu’il n’est pas condamné à sécher sans qu’on en ait tiré une juste vengeance. J’ai confiance en celui de qui les princes tiennent leurs titres, et malgré tout ce que vous pouvez penser de ma situation actuelle, j’ai l’intime conviction que je serai assis un jour sur le trône d’Angleterre. — Que Dieu vous entende ! dit Alice ; et pour qu’il puisse y consentir, noble prince, daignez un peu considérer si vous menez à présent une conduite digne de vous concilier sa faveur. Songez au conseil que vous donnez à une jeune fille qui n’a plus sa mère, qui n’a d’autre défense contre vos moyens de séduction que le sentiment naturel qu’inspire à une femme sa dignité. La mort de mon père, qui serait la conséquence de mon imprudence ; le désespoir de mon frère, dont la vie fut si souvent en péril pour sauver celle de Votre Majesté ; le déshonneur du toit qui vous a donné l’hospitalité, sont-ils des choses bien dignes de figurer dans votre histoire, ou des faits capables de vous rendre Dieu propice, Dieu, dont le ressentiment contre votre maison n’a été que trop visible ? Pourrez-vous par là reconquérir l’affection du peuple anglais, aux yeux duquel de telles actions sont une abomination ? voilà ce que j’abandonne à vos royales réflexions. »