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ce que l’envie pourrait faire dire contre lui. Quoique la guerre civile eût divisé les familles de bien des manières, cependant, depuis le triomphe des républicains, la rage des haines politiques commençait à se calmer. Les anciennes liaisons d’amitié ou de parenté reprenaient, en partie au moins, leur ancienne influence ; bien des réconciliations avaient lieu, et ceux qui, comme Éverard, appartenaient au parti vainqueur, s’employaient souvent à protéger ceux de leurs parents qui avaient besoin d’eux.

Déterminé par ces différentes considérations, et pensant à la perspective qu’il avait de renouveler ses liaisons avec Alice Lee, ce qui le mettrait à même de la protéger contre toute espèce d’injure ou d’insulte, il tendit la main au page écossais, en lui disant que : « Pour sa part il était tout disposé à oublier le sujet de la querelle, ou plutôt à la considérer comme le résultat d’une méprise, et à offrir à maître Kerneguy toute l’amitié qui pouvait exister entre deux hommes d’honneur qui ne servaient pas la même cause. »

Incapable de surmonter le sentiment de sa dignité personnelle, quoique la prudence lui ordonnât de la mettre de côté, Louis Kerneguy répondit par un salut profond, mais sans accepter la main qu’Éverard lui tendait.

« Il n’avait besoin, dit-il, d’aucun effort pour oublier le sujet de leur querelle, car il ne le connaissait pas lui-même. Mais comme il n’avait jamais voulu éviter le ressentiment du gentilhomme qui lui parlait, de même en ce moment, il acceptait volontiers et lui rendait toute la bienveillance dont il plaisait à celui-ci de l’honorer. »

Éverard retira sa main en souriant, et rendit au page son salut. Il expliquait la froideur avec laquelle ses avances avaient été reçues par l’arrogance et le caractère hautain d’un jeune Écossais imbu d’un respect exagéré pour la dignité de sa famille et son importance personnelle, idées auxquelles son ignorance du monde ne lui avait pas encore permis de renoncer.

Sir Henri Lee, charmé que cette querelle se fût terminée ainsi, et par déférence pour son autorité, profita de cette circonstance pour renouveler connaissance avec son neveu qui, malgré ses torts politiques, occupait plus de place dans son cœur qu’il ne le croyait lui-même. Il leur dit alors d’un ton de consolation : « Ne soyez pas mortifiés, jeunes gens. Je vous proteste qu’il m’a été pénible de vous séparer quand je vous ai vus vous comporter si noblement, et surtout n’agissant que par pur amour de l’honneur, sans aucun ressentiment, sans aucune soif de sang. Je vous garantis que, si je n’avais